Alpages Documents
L’idée d’une fusion a pris naissance en 1832, lorsque l'alpage du « Catogne » située entre Combyre et Meinaz a été acquis par moitié, avec la possibilité pour chacun de conserver les droits de propriété. Cette transaction qui a permis de rassembler les deux consortages concurrents, autour d’un projet commun s’est révélé être une prouesse. Voir les deux troupeaux réunis était bien sûr une espérance. Cet heureux clin d'œil, entre frères ennemis, en était les prémices.
Avant la fusion, durant la période 1960 à 1970, le troupeau de Meinaz se composait de 55 à 65 vaches, avec autant de génisses et de génissons, d’où un effectif de 110 à 120 têtes. Il fallait en principe quatre bergers et un jeune apprenti (boûbe) pour s’occuper de la fromagerie et du troupeau. Les frais d'estivage par vache s'élevaient entre 150.- et 180.- francs, 120.- par génisse, 100.- par génisson et 80.- franc par veau. La production moyenne était de 45 kilos de fromage, par vache. Le salaire journalier des employés s’élevait à Fr. 40.-. Une centrifuge permettait la production de beurre, de petit lait ou de sérac. Cela représentait environ 10 centimes par litre de lait produit. Les bergers recevaient chacun en guise de salaire 100 kg de fromage. L'alimentation était fournie. Les repas quoique modestes étaient équilibrés.
L’approvisionnement était assuré, depuis le village, par une tierce personne portant le titre de procureur, "procouryoeu". C’était un personnage toujours apprécié par les employés d’alpage. Véritable trait d’union entre le village et les hauts chalets; détenteur de messages, parfois même de pensées confidentielles, il devait faire preuve de générosité et il régalait, souvent à ses frais, ces hommes isolés, parfois mélancoliques.
Finalement c’est la décision de construire une étable à Chouribi qui a déclenché en 1974 la procédure de fusion. La réalisation des travaux de construction et les améliorations techniques, l’élaboration d’une nouvelle règlementation ainsi que la mise en place des structures de gestion et d’administration a été un long chemin, semé d’embûches, qui a nécessité de la part des responsables beaucoup de courage et d’abnégation. Le succès a, tout de même, été au rendez-vous et cette restructuration a porté ses fruits. Il s’est concrétisé par des résultats d’exploitation favorables, par une baisse de la masse salariale et par une augmentation des subventions et des indemnités versées par Télé Nendaz ainsi que par les offices du tourisme de Nendaz et Veysonnaz. A titre d’exemple nous relevons quelques chiffres du compte d’exploitation de 1994. L’exercice boucle par un excédent de recettes de Fr.9'906.60. Il présente un total des recettes de Fr 139'749.60, dont Fr. 69'714.- de frais d’estivage et Fr. 35'150.- de subsides fédéraux pour un total des dépenses de Fr. 129'843.90, dont Fr. 65'890.- de salaires et administration, sans les charges sociales, les frais de pension et de permis de séjour.
Voir l'article du Nouvelliste du 25 juillet 1989
Il faut dire qu’entre temps la situation a changé. Le folklore est monté sur l’alpe avec le tourisme. On a passé d’une économie de subsistance à une économie de parade. Le caractère agricole et laitier des exploitations alpestres s’est quelque peu rétréci, pour faire place de plus en plus à une organisation de spectacle ou le rendement propre à la paysannerie a chuté drastiquement. Dès le mois d’août les quantités de lait baissent et les traites de septembre ne dépassent guère les 2 litres par jour et par vache.
L’avenir paraît ainsi guère engageant et, selon certains, l'économie touristique ne se préoccupe absolument pas des droits et encore moins des devoirs sur ces hautes terres. Elle se retranche sans cesse derrière la sacro sainte « utilité publique » et leurs besoins grandissants accentuent la fuite en avant d’une société folle. Toute cette industrie n’est plus à échelle humaine. Elle entraîne dans sa galaxie et phagocyte tout ce qui de près ou de loin tente de résister. D’ici peu, les cimes blanches, l'air pur de nos alpages et le clair carillon des sonnailles ne seront destinés et accessibles qu'aux gros salaires et aux élites fortunées.
La Combyre avait toujours un nombre de bestiaux supérieur à ceux de la Meinaz. Les droits représentaient une masse de 320 droits de fonds (cuillerées). A la Combyre l’usage voulait qu'un consort pouvait alper tout son bétail, sans restriction ou location de droit. Ce principe permettait une haute occupation de l'alpage et réduisait les frais d'estivage. Les corvées fixées au prorata des têtes de bétail, favorisaient le bon entretien de l'alpage. A la suite d'échange de terrains avec la bourgeoisie de Nendaz, la Combyre s’est agrandie, dans de bonnes conditions, en amont des mayens de Seronde Nue et d’Estracs.
La Meinaz plus modeste n’offrait que 272 droits de fonds. Elle avait une capacité d'estivage de 100 vaches et 72 génissons. Cette charge était relativement lourde et l’on devait limiter les effectifs en fonction du nombre de jours d'estivage et des frais inhérents. Certains alléguaient que la Meinaz était plus exposée aux vents que sa voisine la Combyre et que cela affectait négativement sa productivité et sa rentabilité.
Avant 1922, chaque propriétaire désireux de posséder des abris acceptables pour leur bétail pouvait les construire, en utilisant les matériaux exploités sur place: Bois, pierres, dalles et bardeaux. Dans certaines régions ces bâtisses se regroupaient et pouvaient ressembler à un village de montagne construit autour du parc collectif. Ce mode de construction fit bien vite place aux étables collectives. Lorsqu'il s'agissait d'augmenter la productivité et faciliter le travail, toute innovation était bienvenue. A cette époque-là alper avant ses voisins et désalper après eux était une bénédiction et un honneur que l'on n’avait pas envie de partager.
Les étables de Meinaz, inaugurées en 1924, ont demandé 2 années de travail. Une partie des travaux ont été confiés aux entreprises Bornet et Dayer de Nendaz ; la toiture a été mise en place par le consortage. Un groupement de propriétaires a exécuté ces travaux et le fruit de leur activité a permis de réduire d'autant les charges de construction pesant sur leurs droits respectifs. Les arbres choisis pour la couverture ont été exploités et transformés sur place. La création des chalets de Meinaz ont pesé relativement lourd sur les budgets des consorts et ont provoqué des dépenses, par droits de fonds, de Fr. 105.-, plus 4 corvées. On serait aujourd’hui bien surpris des coûts indexés d’une telle entreprise.
Le plan d'ensemble des étables de Combyre, avec une fromagerie incorporée au centre, facilitait grandement la traite et le transport du lait à la chaudière. D'une capacité de 240 places les écuries ont coûté Fr. 27.- par droit de fonds. Construites avant la guerre de 1914, avec des subventions plus importantes et un prix de la main d'œuvre plus bas, ces bâtisses ont été réalisées à bien moindre coûts que ceux de Meinaz.
Ces réalisations ont donné lieu à bien des tiraillements au sein de chacun des consortages. Elles furent cependant bien vite appréciées par les employés, par les propriétaires et n’ont finalement présenté que des avantages pour la gestion du bétail, plus particulièrement au moment des grands orages ou lors de précoces chutes de neige.
Anciennement, par souci sanitaire et de productivité, la désalpe se faisait à date fixe. Le mesurage du lait s'effectuait deux fois seulement par saison. Le surlendemain de l'inalpe lors d’une seule traite à 11 heures. Chaque paysan trayait ses vaches la veille. Les contrôleurs vérifiaient que les mamelles soient bien vides. Le second mesurage avait lieu le 10 août à la St-Laurent. Les résultats étaient consignés sur un registre.
La production en fromage était divisée en lot de 100 kg ou 200 livres appelés « mierraz ». Pour la Meinaz la plus haute production a été de 27 mierraz, soit 5400 livres. Un lot de 100 kg représentait 15 à 16 pièces, parfois moins. Les fromages étaient attribués par tirage au sort. Ils provenaient de lots multiples; ils étaient regroupés en fonction de leur masse; il y avait des fromages gras, marqués d’une étoile, et des mi-gras. Ils étaient remis à leur propriétaire selon leur droit et après un calcul résultant des mesurages. Ces répartitions ont été parfois l’occasion de tiraillements et de contestations. C’était aussi le lieu de réjouissances et de grandes satisfactions. Bien souvent, ces journées se clôturaient par de grandes beuveries et des rentrées mémorables à domicile.
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Le système de consortage s’est développé, en Valais, de la manière la plus prononcée, dans l’économie alpestre. Dans ce domaine, les formes juridiques et de propriété ainsi que celles relatives à la gestion étaient règlementées de manière précise. Il y avait, en effet, d’un côté, les alpages dont les consorts avaient la possession en commun qu’ils utilisaient collectivement. D’un autre côté, existaient des alpages qui avaient des formes de propriété semblables aux consortages, mais dont l’exploitation était privée. Les droits des consorts, par exemple le droit d’exploiter les pâturages, et leurs devoirs. Le travail communautaire ou les charges administratives étaient soit consignés dans des règlements soit se référaient au droit coutumier, voire au droit local. Les conditions d’admission au collectif et l’établissement du nombre maximum de bétail durant un nombre de jours déterminés, ce qui avait pour but d’éviter une surexploitation des pâturages et constituaient des composantes importantes de ces règlements...
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Organisation et Histoire Médiathèque du Valais : http://www.wikivalais.ch/index.php/Consortages_en_Valais
Par consortage, on entend une gestion communautaire du travail et des biens collectifs. Dans ce cadre, les consorts - ou corporatistes - disposent de droits et de devoirs, qui sont définis par des statuts et des règlements établis, préalablement, par écrit. La participation aux travaux communautaires (manœuvre, corvée) et la prise en charge des fonctions relèvent particulièrement des devoirs des consorts, alors que, dans les droits, figurent l’utilisation des biens et des aménagements communs.
En Valais, les consortages respectivement le système de corporation se sont développés sur le modèle des corporations paysannes du Moyen Age. Des siècles durant, les consortages ont organisé la vie économique paysanne du Valais, au moyen de manuels de droits et d’ordonnances. Ils réglementaient, en particulier, l’usage des biens communs tels que l’eau, les forêts ou les alpages et étaient responsables de la construction ainsi que de l’entretien des infrastructures communes comme les bisses, les chemins sentiers, les aménagements d’alpage ou encore les fours à pain.
Comme témoins de cette réalité, nous retrouvons des documents au sujet des consortages dans pratiquement toutes les archives des communes valaisannes ainsi qu’aux archives de l’État : vente et échange des droits sur les alpages, règlements, dossiers des procès, règlementations sur l’exploitation des forêts et des eaux, procès-verbaux des assemblées des consorts etc. Dès le 13e siècle, on trouve des documents attestant des ventes de droits sur les alpages. La codification écrite des consortages d’alpages et des eaux, sous forme de statuts, a eu lieu avant tout au 16e et au 17e siècle.
Malgré le changement du contexte économique et social, les consortages remplissent encore, actuellement, une fonction importante sur le plan juridique, économique, écologique et social en Valais. Une préoccupation fondamentale des consortages a été de tout temps la recherche d’un équilibre entre d’un côté la conservation à long terme des ressources et de l’autre son exploitation optimale et sa gestion rationnelle. En outre, l’administration collective et la jouissance des biens sont économiques et renforcent une forme de solidarité obligatoire, une unité entre les membres et le sentiment de responsabilité envers le bien communautaire. Ces fonctions écologiques et sociales confèrent au système de consortage un grand potentiel pour le futur.
Aujourd’hui, le système de consortage en Valais est règlementé juridiquement par la « Loi d’application du code civil suisse du 24 mars 1998 » (articles 126 à 131). Cette dernière met en avant à l’article 126 § 1: « les sociétés d’allmends, les consortages d’alpages, de forêts, de fontaines, de bisses ou de réunions parcellaires, et d’autres corporations semblables, sont soumis au droit civil cantonal à moins qu’ils ne relèvent de la loi sur l’agriculture ou la de la loi sur les bourgeoisies ». De plus, cette loi impose au Conseil d’État d’approuver de manière conforme les statuts et les règlements. L’article 129 § 2 garantit l’exploitation durable des biens communautaires : « les biens sociaux objets de cette exploitation ne peuvent être aliénés ou engagés de façon à entraver ou à rendre difficile l’excès à leur exploitation ».
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Issu de l’histoire et composé par l’homme, l’espace valaisan est donc aussi un espace social fondé sur des structures stables dans le temps. Dès lors, les innovations récentes, même spectaculaires, se superposent plus qu’elles ne se substituent aux anciennes. À ce titre, l’exemple de la pluriactivité, qui a en partie permis le maintien d’une agriculture de montagne, est des plus symptomatiques. Elle s’est généralisée dès les années 1945, avec, dans un premier temps, la construction des barrages puis, très vite, l’extension et l’amélioration du réseau routier. Cela a rendu beaucoup plus facile l’accès à la plaine ou aux stations touristiques. Ainsi, les paysans ont pu progressivement pratiquer une double activité: celle d’agriculteur, devenue accessoire mais rendue possible grâce au soutien essentiel des familles, et celle d’ouvrier en plaine ou d’employé dans les secteurs touristiques de montagne (notamment dans l’hôtellerie, le commerce, les remontées mécaniques ou encore les cours de ski). De même, les vieilles structures agraires, n’ont pas totalement disparu. Elles ont été en fait redéfinies, réadaptées aux nouvelles exigences de la pluriactivité, seule garante du maintien de certaines exploitations devenues non rentables. Cette pratique, aujourd’hui généralisée en Valais, touche le 85% des exploitations agricoles.
Le premier des deux schémas ci-haut montre les anciennes pratiques de transhumance, telles qu’on pouvait les rencontrer autrefois en Valais. Elles se caractérisaient par un mouvement saisonnier des familles et du bétail, entre le village, les mayens et les alpages d’altitude, en fonction des époques de pâture, de fenaison ou de récoltes. Si la montée à l’alpage (inalpe) du mois de juin et la désalpe de fin septembre se font encore aujourd’hui pour le bétail, les familles par contre restent le plus souvent au village.
Le second schéma donne, pour sa part, l’horaire de travail du paysan-ouvrier qui, quotidiennement, descend en plaine pour travailler (soit en usine, soit, et c’est de plus en plus le cas, comme employé dans le secteur des services). Devenue activité accessoire, l’agriculture de montagne peut donc continuer à subsister.
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