Document proposé par Roland Lathion
Partout dans le monde, les cloches tintent, sonnent, retentissent. En Valais, elles chantent. Le dimanche et aux fêtes religieuses une musique joyeuse, singulière, s'élève vers le ciel comme une offrande. Cadencées ou d'une douceur pleine de rêve, ces sonneries appellent les hommes à la joie, à la prière.
Dans un article de presse, commentant le livre du pasteur Marc Vernet, paru sous l'égide de la société suisse des traditions populaires, Jean Quinodoz, professeur de musique et Evolènard bien connu par chez nous, apporte un éclairage très intéressant sur les carillons valaisans et sur leurs origines. Nous reprenons ci-après quelques uns de ses développements :
« Le mot carillonner vient de quatrillon et quadrillonner, c'est-à-dire faire entendre une musique à l'aide de quatre cloches. Dans certains villages, les termes patois, tricodon et tricodonna, du latin tricodunum sont encore en usage.
La cloche a tenu, depuis les temps les plus reculés, une place importante, aussi bien dans la musique que dans les manifestations publiques. Pourtant il convient de faire une distinction entre sonner et carillonner. L'action de sonner signifie inviter, appeler; on sonne l'angélus, la messe, le tocsin, tandis que carillonner exprime le contentement, la paix heureuse. Le carillon possède les ressources et la magie de l'orchestre; c'est un orchestre aérien, l'orchestre liturgique des jours de fête et des dimanches gais. On sonne aussi le glas, pulsatio terroris, comme on disait autrefois, qui, sans être du carillonnage s'en rapproche. On peut sonner le glas avec une, deux, ou trois cloches. Un sonneur du mon village disait: «Aux enterrements mes cloches ne sonnent pas, ne chantent pas, elles parlent. » En effet, par une accentuation particulière et un rythme épousant très exactement certaines syllabes, on avait la conviction d'entendre cette sentence: Té mo, té mo, té bien mo, ce qui ne manquait pas de produire sur les assistants une impression bizarre et profonde. »
Ceux qui se sont spécialisés dans l'art campanaire sont unanimes pour situer dans les Flandres, dès le XVe siècle, la patrie du carillon. La France possède aussi quelques carillons intéressants et les Parisiens ont toujours été fiers de posséder ceux de St-Germain l'Auxerrois et de la Samaritaine. On raconte que Lully faisait le trajet de Versailles à Paris pour écouter la puissante et majestueuse sonnerie de Saint-Germain des Prés.
Jean Quinodoz, lui-même auteur de plusieurs compositions, signale l'existence en Suisse, du carillon de Genève, construit au XVIIIe siècle, puis restauré vers 1850, et celui de Pully-Rosiaz. Les carillonneurs étaient respectivement Pierre Segond, organiste à la cathédrale, et Marc Vernet, pasteur.
Les carillons que nous venons d'évoquer sont tributaires d'un mécanisme compliqué avec un nombre de cloches pouvant s'élever jusqu'à cinquante. Le carillonneur dispose d'un instrument aux possibilités multiples, doté d'un répertoire riche et varié, allant de l'air populaire aux œuvres classiques. Ce sont des instruments de concert.
Plus modestes sont nos carillons valaisans et sommes-nous tenté de dire, plus vivants, plus près du peuple. Ils sonnent les dimanches et jours de fête, et ce n'est jamais la même chose d'un clocher à l'autre. Chaque carillon a, par la composition de l'accord, son caractère propre et un répertoire original. Le nombre de cloches est de trois à six, le mécanisme rudimentaire. Les battants sont mis en mouvement par de simples cordes reliées aux mains et aux pieds du sonneur, qui devient lui-même partie vivante de l'instrument, lui transmettant son pouvoir d'artiste créateur. Le savoir s'acquiert ici par tradition et par une longue pratique. Si le sens du beau s'allie à l'habileté, les rythmes des travaux et des saisons, les joies et les peines de toute une communauté se retrouveront et s'inscriront dans ces trilles, dans ces timbres passionnés et ces guirlandes sonores. Le carillonneur deviendra ainsi véritablement le troubadour du clocher.
En clin d'œil à Jean Quinodoz, grand ami de Veysonnaz et que beaucoup de chanteurs ont connu et apprécié, nous vous suggérons d'écouter un de ses carillons et quelques passages de deux compositions vocales et instrumentales qu'il nous a laissés en héritage.
1- Carillon exécuté par Pierre Segond
2- Rose rouge poème de Corinna Bille
Dans son livre : Histoire paroissiale de Veysonnaz, Clèbes et Verrey, Jean Philippe Glassey a résumé les principaux événements liés à l'activité des marguillers. Il relève que cette fonction rime avec fidélité, voire avec longévité car en 1307 déjà, un certain Anselme de Veysonnaz assurait cette fonction, à Valère, en l'église mère du diocèse.
Dès les débuts de notre paroisse, le travail des marguillers apparaît indispensable. Ils sont tour à tour carillonneurs, fossoyeurs et responsable de la propreté de l'église. Ils reçoivent un salaire pour ces prestations. Leur contrat est renouvelé d'année en année. Les exigences sont assez fastidieuses car mis à part l'entretien des lieux, il leur appartient de tinter une demie heure avant tous les offices paroissiaux ; matin et soir il faut sonner l'angélus, carillonner le dimanche, aux fêtes et à leur veille, sonner les enterrements, les septièmes et les anniversaires.
En 1917 le salaire du marguiller de Veysonnaz était de Fr.120.- et celui de Clèbes de Fr.50.-. Ces tarifs bien modestes ont été quelque peu ajustés au fil des années mais sont demeurés symboliques. Il s'agissait plus d'œuvres bénévoles que d'activités lucratives.
Les marguillers étaient nommés par le conseil paroissial. Une liste non exhaustive a été tenue dès l'édification de l'église jusqu'en 1939. Nous trouvons pour Veysonnaz les noms de Jean-Léger Praz, Maurice Salamolard, Louis Praz de Jean-Léger, Denis Fournier, Edouard Fournier et pour Clèbes, Barthélémy Fournier, Lucien Glassey, Barthélémy Glassey, Antoine Théoduloz, François Praz, Jean Théoduloz, Denis Théoduloz et Glassey Antoine.
A partir de 1939 le nom des marguillers n'est plus cité dans les procès-verbaux. On peut imaginer que les tâches ont été réparties différemment. Les noms des carillonneurs qui ont été retenus sont Eugène Praz, Augustin Salamolard, Edouard Praz et Pierre-Alain Praz à Veysonnaz ainsi que Lucien Praz et Ernest Fragnière à Clèbes.
Avant 1965, le carillon était manuel. Il fallait monter au clocher pour actionner le mécanisme fait de cordes et de pédales.
Le curé Georges Michelet nous a parlé du beau carillon de Veysonnaz, qu'il attendait avec impatience, alors qu'il était enfant, à midi, les veilles de fêtes:
« ça commençait : un coup, deux coups, plus rien... ça recommençait et de nouveau silence. Ce temps d'hésitation avait lieu avant chaque carillon. Déjà à l'écoute, en campagne ou accoudé à la fenêtre de la maison natale, je regardais le blanc clocher, là-haut sur l'arête. Je m'impatientais un peu, et tout à coup, le beau carillon arrivait jusqu'à moi. Avec quelle joie je l'écoutais. C'était l'Ave Maria de Lourdes, puis venait: J'ai descendu dans mon jardin et encore le cantique : Je n'ai qu'une âme qu'il faut sauver ; le tout nuancé avec des longues, des brèves, des piano et des forte. Je n'en perdais pas une note. Elles semblaient tomber du ciel sur le vallon telles des fleurs invisibles. »
Aujourd'hui la sonnerie manuelle des cloches n'est plus possible. Tout a été entièrement automatisé. Le nouveau carillon numérisé reprend cependant quelques anciennes mélodies.
Nous vous proposons 14 minutes d'un enregistrement effectué par la Radio Télévision Suisse le 12 septembre 1956 du carillon de Veysonnaz: