Il y avait enfin les vrais ravis, ceux qu’on nomme actuellement les handicapés mentaux. Ils s’appelaient Marcellin, Lucien, Théophile, Guite et Antoinette, et d’autres. Ils habitaient dans leur famille sans que çà ne pose trop de problèmes. Ils étaient bien intégrés dans le village. On les titillait comme les autres, sans trop de méchanceté.
Marcellin priait beaucoup, parfois à haute voix, se jetant à genoux quand il passait devant une croix.
Théophile, c’était tout le contraire. Aussi, Marcellin disait de Théophile, c’est « oun poure te » (un pauvre gars). Il ne croit à rien, il ne prie pas… il va aller en enfer ». Lui-même se demandait innocemment s’il pouvait encore aller à la messe. En effet, disait-il, quand j’y vais, je pense parfois à des choses drôles. Je commence à rire et je ne peux plus m'arrêter. Les deux, comme des enfants, traversaient parfois le village comme s’ils conduisaient une voiture, l’un faisant le bruit d’un klaxon et l’autre qui faisait semblant de tourner le volant (moi, je klaxonne et toi tu « tournes la roue (le volant) disaient-ils. Ils étaient les animateurs du village.
Lucien rigolait pour un rien surtout quand il rencontrait un certain Marcellin de Veysonnaz. Une fois voyant arriver ce dernier avec sa boille de lait, il s’était mis à courir comme un fou tout autour de sa grange. « Que fais-tu, lui dit Lucien en commençant déjà à rigoler ? J’ai perdu la clé de la grange, (seule l’écurie était construite !) » Lucien se roula par terre de rire et renversa tout son lait. On imagine alors sa grande colère. Cà ne l’empêchait pas pour autant de reprendre ses immenses fous-rires dans ses futures rencontres avec Marcellin.
Ce dernier avait son stock d’histoires, par exemple : des morts qui sautaient en bas de son tas de foin, alors que la grange était vide, de la porte de la grange qu’il devait fermer solidement, sinon le capucin lui mangeait tout son foin etc…etc.
-Il y avait à Veysonnaz deux sœurs célibataires Guite et Antoinette. Elles participaient volontiers aux veillées. Elles se mettaient sur le banc autour du fourneau en pierre ollaire et prenaient progressivement de belles couleurs. Guite mourut la première. Sa sœur disait par la suite : «Quel dommage qu’est morte Guite à nous… elle était tellement bonne pour mener les chèvres chez Monsieur le bouc… elle ajoutait aussi : si ma sœur n’était pas morte cette année, elle aurait pu faire (vivre) encore 2 à 3 ans ! »
Telles étaient donc quelques-unes de ces histoires qu’on avait l’habitude de se raconter. C’était le temps où l’on prenait du temps pour se rencontrer, passer de bons moments ensemble, rigoler et égratigner plus ou moins gentiment certains. En ce sens, on peut dire que c’était le bon vieux temps.