Tiré de Description du département du Simplon ou République du Valais de Mr Schiner.
« Il me reste encore à parler de quelques autres villages qui se trouvent sur le plateau lui-même de la montagne des Mayens ou à sa côte tournante, ou enfin au bas et contre le torrent de Nenda, et qui tous aussi ont leur nom particulier; mais avant d'en parler, je dois encore dire, que les Mayens de Sion jouissent d'une superbe vue sur la rive septentrionale du Rhône; revenant maintenant à la description des autres villages de cette même montagne des Mayens, on observe d'abord sur une belle hauteur, et immédiatement au-dessous d'une jolie petite forêt de mélèzes, et au-dessus de belles prairies, et enfin au bord supérieur et occidental de cette même montagne un grand village, nommé Veisonna, assez peuplé, où les habitants sont de braves gens, menant une vie dure et laborieuse, mais dont les hommes qui viennent tous les samedis au marché de Sion, pour y vendre des bois de bâtisse et autres, sont très adonnés au vin, et même à l'ivrognerie, au point même qu'ils retournent ordinairement chez eux assez pris de vin, tandis que leurs épouses sont fort braves, vertueuses et modestes; c'était au reste dans ce même village, ainsi qu'à Haute Nendaz, qu'on buvait le meilleur vin blanc du pays, nommé Oumagne, ce qui n'est pas étonnant, si on considère que tous nos vins blanc, comme Oumagne, Muscat et Raisi, surtout la petite ou la jaune, immédiatement après la vendange transportés dans ces hautes montagnes ou vallons, s'y font parfaitement, au point même de former des vins délicieux au bout de quelques années, et y deviennent des vrais vins de liqueur, tel estencore l'Oumagne de Vétroz, conduit en Bagnes, et laissé quelques années, mais il n'en est pas ainsi de nos vins rouges, qui n'ont point ce feu, ni cet esprit et ne s'y font non plus si vite, ni si bien, quoiqu'ils s'y améliorent aussi beaucoup au bout de quelques années, tandis que ces mêmes vins ne se conservent pas longtemps dans la plaine, mais s'y font trop vite, surtout l'Oumagne et le Muscat, mais le rouge se conserve plus longtemps, tandis que les vins blancs susdits en ville tournent en acide, ou se gâtent volontiers dans les grandes chaleurs de l'été, surtout, si on n'a pas la précaution de les transvaser dans d'autres tonneaux au printemps, et encore en automne au besoin si la cave où on tient ces vins, ou l'été est fort chaud.
Les gens de Veisonna sont au reste assez honnêtes et affables, et d'un caractère doux et paisible; leur habillement est d'un drap grossier du pays, tirant sur le noir mais leur langage, comme celui de tous les montagnards de cette rive du Rhône, ou au-delà du Rhône, est un jargon français très difficile à comprendre, et très dur à prononcer, en un mot, fort déplaisant. Ce même village jouit d'une des plus belles vues du pays tant sur la plaine, que sur les villages, coteaux et montagnes situées sur la rive septentrionale du Valais, car d'un côté on y voit toute la côte de la montagne de Nenda, et quantité de villages dans la plaine du pays depuis Sion en bas jusqu'à Martigny, et depuis Sion en haut jusqu'en Lenz, ainsi que le cours tortueux et vraiment majestueux du Rhône dans la plaine, et enfin une infinité de chalets, ou de cabanes de montagnes maçonnées au mortier et blanchies, dans les Mayens de Conthey , sans oublier la belle vue depuis Veisonna et depuis les Mayens de Sion sur cette ville qui est assez pittoresque, d'où l'on voit depuis certaines places immédiatement sur la grande place ville de Sion , dont on entend aussi tous les coups des cloches et de la caisse du tambour , et depuis où enfin avec une lunette d'approche ou un télescope on voit l'heure sur l'horloge de la cathédrale de la ville quand le temps est au beau clair, ainsi que le monde qui se promène sur cette grande place, lorsque le soleil donne dessus, ce qui tout réuni forme une recréation agréable pour ceux qui se trouvent dans leurs maisons de campagne. Gravissant ensuite la montagne de Veisonna jusqu'au sommet de ce côté-là, et là tournant on découvre après l'avoir franchie un autre petit village, qu'on nomme Verrey, ce qui en langue de l'endroit veut dire autant tourner ou virer, aussi est-il placé au haut de la côte tournée contre la gorge de la vallée de Nenda; ce village est passablement grand et peuplé; il y a beaucoup de champs dans ses environs, ainsi que d'excellentes prairies, de belles forêts par dessus, comme aussi tout le long contre la vallée de Nenda, et par dessus toutes celles-ci de belles montagnes pour le parcours ou pâturage des vaches en été. Il y a encore dans le voisinage un autre village, qu'on appelle Clèbe, qui jadis était un village seigneurial, appartenant à l'Abbaye Royale de St. Maurice, dont l'Abbé était Seigneur territorial, comme aussi à Vétroz pour le prieuré. Les étages des maisons sont fort bas et les fenêtres très-petites, de la hauteur d'un pied sur huit à dix pouces de largeur et les portes si basses, qu'un homme de médiocre taille a de la peine d'y entrer sans se faire du mal. Il y a de même aux environs un autre petit village appelé Cerisier, apparemment parce qu'il y a beaucoup d'arbres de cerisier qui y croissent en abondance, comme dans les autres montagnes du pays, sans culture quelconque. Descendant de là jusqu'au torrent de Nenda qu'on nomme la Prinze, on trouve sur la route les Moulins de Nenda, qui sont un ouvrage pour le besoin des habitants des environs et des villages voisins. Au-dessous de ces mêmes moulins et du même coté dudit torrent on voit au milieu d'une infinité d'arbres fruitiers, d'excellents vergers et belles prairies un village passablement grand, qu'on appelle Brignon; les habitants de ce village en général sont tellement vilains , qu'ils font presque horreur à celui qui les voit; outre qu'il y a beaucoup de Crétins et d'horribles goëtres, ce qui ne m'a pas surpris, considérant l'air sans jeu dans ce village absolument sombre, même en plein midi, par les arbres trop rapprochés, dont les branches s'entrelacent les unes dans les autres de tout côté, jointe à l'excessive malpropreté qui y règne dans tous les ménages; et enfin, si on fait attention au défaut de mouvement corporel tant nécessaire de ces enfants malheureux, qu'on y laisse croupir dans l'ordure.
Tous ces quatre derniers villages, savoir, Veisonna, Verrey, Clebe et Brignon appartiennent pour le spirituel à la paroisse de Nenda et y vont à la messe en hiver, sauf ceux de Veisonna,en été , qui viennent à la Chapelle d'en-haut des Mayens de Sion, comme il a déjà été dit.
Il y a encore au fond et au bord de la côte occidentale de la montagne des Mayens de Sion, au-dessus de la rive du torrent de la Prinze une charmante plaine avec des champs superbes, ainsi que des prairies riantes bien arborisées de toutes sortes d'arbres fruitiers, comme poiriers, pommiers, noyers et cerisiers; cette plaine s'appelle Baar.
Venant de parcourir toute la montagne des Mayens d'un bout à l'autre et de faire connaître tout ce qu'il y a de remarquable, comme aussi les différents villages qui se trouvent sur toute cette montagne et le caractère de ses habitants, il ne me reste que de parler encore de la montagne de Nenda et de ses villages principaux quoiqu'appartenant au Canton de Sion, uniquement pour n'être pas obligé d'interrompre le cours de ma description de la montagne de Nenda; parmi les villages principaux de la montagne de Nenda, je trouve d'abord le beau et grand village de Nenda, car outre ses propres paroissiens il y a encore une grande quantité d'habitants des autres villages qui s'y rendent aux offices divins et dont le Curé de Nenda en a l'administration spirituelle, savoir, ceux de Veisonna, Verrey, Clebe, Brignon, haute Nenda et Fée."