Sources : Archives de presse Nouvelliste et Confédéré - années 1969 à 1971 - Résumé présenté par Roland Lathion
En 1969, sous l'impulsion de René Fournier de Veysonnaz, sollicité par deux compétiteurs appartenant au cadre national de l'équipe suisse de ski, les frères Régis et Alby Pitteloud, la piste de l'Ours est créée sur les terres de la Bourgeoisie de Sion, dans l'ancienne et imposante forêt de l'Ours.
Les travaux de déboisement ont commencé le 21 novembre, suite à l'agrément téléphonique donné le 19 novembre par le conseiller fédéral Peter Tschudi et le préavis favorable délivré par le Conseil d'Etat du canton du Valais dans sa séance du 17 courant. Les requérantes : les Communes d'Hérémence, de Vex, des Agettes, de Salins, de Veysonnaz et la Bourgeoisie de Sion ainsi que les Hautes Autorités valaisannes faisaient valoir que ce défrichement était urgent, au motif que la nouvelle piste devait être à disposition le 01.01.1970 pour des concours de Coupe d'Europe.
Le 04.12.1969, une autorisation officielle de déboisement a été donnée par le Département de l'Intérieur pour l'aménagement de cette piste, entre les Crêtes de Thyon et les Mayens de l'Ours. 82'000 m2 de forêt, dont 60'000 m2 appartenant à la Bourgeoisie, 5'000 m2 à la l'Hôpital-Asile de Sion et 17'000 m2 au Consortage de l'Arolle, ont été défrichés. A la réception de l'autorisation écrite, le 04 décembre, les arbres étaient abattus sur la plus grande partie de la piste.
Un recours de droit administratif a été interjeté le 30.12.1969 par la Ligue suisse pour la protection de la nature et la Ligue suisse pour la sauvegarde du patrimoine national. Celles-ci faisaient valoir que l'autorisation de défricher avait été accordée en violation du droit fédéral ; que l'autorisation devait être annulée et que les requérants devaient reboiser les surfaces incriminées.
Ces faits ont provoqué une grande colère à travers le pays et aussi une tempête médiatique dans les journaux alémaniques, notamment auprès la Neue Zürcher Zeitung.
Dans sa réponse, le Département fédéral de l'intérieur soutient que, fondée sur une règle exceptionnelle, la qualité pour agir des associations doit être entendue restrictivement.
En réalité la loi ne contient pas de disposition qui permette de restreindre le droit de recours des associations, notamment en fonction de l'importance de l'objet. La seule restriction réside dans le fait que la qualité pour agir n'est reconnue qu'aux associations d'importance nationale. Le Département estimait que les associations recourantes devraient être exclues en matière de police des forêts, là où l'intérêt public est sauvegardé de manière efficace par les services forestiers fédéraux et cantonaux.
L'argument ne convainc pas. En effet, dans le cas d'espèce, la décision n'appartient pas aux services forestiers mais à l'autorité supérieure, au Département de l'intérieur ou au gouvernement cantonal. Si le particulier auquel l'autorisation de défricher est refusée peut recourir, les services forestiers n'ont aucun moyen d'attaquer une autorisation qu'ils estiment octroyée à tort. Le recours des associations revêt donc une réelle importance pratique.
Finalement, l'argument de fond qui a prévalu pour justifier l'octroi ou le rejet de cette autorisation a été le résultat d'une pesée des intérêts en présence, au regard des articles 31 de la LPF et 26 al.1 de l'ordonnance d'exécution, ainsi que de l'article 3 LPN. Aux arguments présentés à l'appui de la demande s'opposaient ceux en faveur du maintien la forêt, en raison de ses effets protecteurs, de son rôle social et de son importance pour la conservation du paysage.
Les six communes impliquées dans le projet ont exposé que dans la lutte engagée contre l'exode rural, il était indispensable d'améliorer les conditions d'existence des populations, en leur offrant sur place de nouvelles possibilités de gain. Pour cela, il importait de favoriser le développement du tourisme d'hiver, lequel exigeait la création d'une piste dont l'enneigement était assuré et qui se prêtait à l'organisation de concours internationaux.
L'analyse des besoins et la pesée des intérêts en présence n'ont laissé planer aucun doute sur le caractère d'intérêt général de cette réalisation.
Il a aussi été jugé que la nouvelle piste ne provoquait pas de dangers particuliers; d'ailleurs au cours de l'instruction aucune personne n'a jamais soutenu que son ouverture créerait un danger sérieux de glissement de neige ou de terre. Le Département pouvait dès lors considérer qu'aucun motif sécuritaire ne s'opposait à l'octroi de l'autorisation.
S'agissant de la protection des arbres et du paysage, aucun argument n'a fait apparaître que l'autorisation critiquée était contraire au droit fédéral et compromettait le rôle social de cette forêt qui présentait à elle seule une superficie de plus de 300 hectares sur les pentes Sud de la plaine du Rhône.
L'aspect d'urgence retenu pour l'exécution des travaux et l'octroi de l'autorisation verbale n'a par contre pas été jugée pertinent et il a été considéré que cette manière d'agir justifiait pleinement les alarmes des recourantes qui, de ce seul fait, ne saurait être chargées de frais et d'indemnités à titre de dépens, quand bien même elles n'obtenaient pas gain de cause sur le fond.
Saisi de l'affaire, le Tribunal fédéral rejette le recours le 19 juin 1970 ;
Statue qu'il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens ;
Communique l'arrêt en copie aux recourants, aux mandataires des intimés, au Département fédéral de l'intérieur et à l'Inspection cantonale des forêts.
Prévue pour être le lieu de la descente hommes aux Jeux olympiques d'hiver de 1976 (pour lesquels Sion était la ville candidate), la piste devient progressivement le cadre de compétitions de haut niveau, tels les championnats suisses (hommes et dames) remportés, en 1971, par Bernhard Russi devant Roland Collombin. Cette même année, la Piste de l'Ours est le théâtre de deux descentes coupes d'Europe.
Honoré Bonnet, haut responsable du ski français, l'a qualifiée de « plus belle piste du monde » lors de sa visite pour l'examen de la candidature de Sion aux Jeux olympiques d'hiver de 1976.
En janvier 1993, cette piste obtient pour la première fois une descente hommes de Coupe du monde. Dès lors la piste de l'Ours devient un rendez-vous annuel de la Coupe du monde de ski alpin FIS avec en 1995 trois courses dames, en 1996 trois courses hommes et en janvier 1998, deux slaloms hommes.
Elle a fait partie des sites olympiques retenus pour la candidature de Sion ville candidate à l'organisation des Jeux olympiques d'hiver de 1976, 2002 et 2006.
En 2013 un projet ambitieux voit le jour: construction d'une télécabine de Sion jusqu'aux Mayens de l'Ours. Il permettrait l'accès direct de la capitale au domaine des Quatre Vallées. Il fait actuellement l'objet d'études préliminaires; une pré-demande de concession pourrait être déposée. Quant au renouvellement de la télécabine de Téléveysonnaz sur la piste de l'Ours, il est actuellement examiné à Berne par les instances compétentes. Les deux projets sont complémentaires. Une liaison ville-montagne constituerait un atout de taille pour le tourisme régional. Pour y parvenir, de nombreuses contraintes techniques devront être surmontées, notamment le passage de la télécabine sur l'autoroute et sur le Rhône, la future ligne à très haute tension de Salins et l'axe de la piste de l'aéroport... Marcel Maurer, président de Sion, croit au projet et se montre optimiste. Qui vivra verra...
Données techniques de la piste de l'Ours
Situation géographique : 12 minutes de Sion, rive gauche du Rhône, Cône de Thyon
Orientation : Exposition totale au Nord
Description du terrain traversé par la piste : Alpage, pâturage, tranchées dans la forêt
Piste homologuée : FIS toutes disciplines dames et hommes
Enneigement : 90 à 200 cm. Installations assurant un enneigement idéal sur toute la piste de novembre à avril
Possibilités de clôture : Sur toute la piste par clôture mobile
Remontées mécaniques : Télécabine de l'Ours 900 personnes/heure
Descente hommes
Altitude de départ : 2390 m
Altitude d'arrivée : 1490 m
Dénivellation : 900 m
Déclivité maximum : 51 %
Déclivité moyenne : 35 %
Déclivité minimum : 8 %
Longueur développée totale : 3347m
Homologation FIS : 3836/186/91
Descente femmes
Altitude de départ : 2170 m
Altitude d'arrivée : 1490 m
Dénivellation : 680 m
Déclivité maximum : 51 %
Déclivité minimum : 8 %
Longueur développée totale : 2500 m
Homologation FIS : 6697/102/02
Pour une documentation encore plus complète sur la question, nous vous proposons plusieurs articles en fichier.pdf, tirés des archives du Nouvelliste et du Confédéré :
24.11.1969 Confédéré, Annonce du déboisement ;
18.12.1969 Confédéré, Réponse à une question urgente ;
05.02.1970 Confédéré, A propos d'une forêt protectrice ;
06.02.1970 NF, Explications entre Bernard De Torrente et Willy Kraft ;
23.03.1970 NF, Précisions, justifications et redites... ;