A la fin de la deuxième guerre mondiale, les habitants de Veysonnaz vivent encore essentiellement de leur propre production agricole. Dès 1946, l'introduction de la culture de la fraise vient bouleverser l'économie locale car elle apporte de l'argent liquide. Ainsi, peu à peu, la fraise remplace les céréales. On faisait le raisonnement suivant : «Avec l'argent rapporté par la fraise, on peut largement acheter le pain nécessaire à alimenter la famille». En fait, la culture de la fraise devient attractive.
Il est vrai que la culture de la fraise est une activité pénible ; combien de personnes n'ont-elles pas contracté des maladies dorsales après plusieurs années de ce dur travail ? A cet égard, le passage de la culture de la fraise à celle de la framboise a représenté pour beaucoup une libération. Les premières incidences de ces nouveaux revenus agricoles se sont manifestées au niveau de l'amélioration des conditions de logement... qui étaient particulièrement précaires.
Le développement de ces nouvelles cultures a exigé la construction d'un système global d'irrigation des champs. Dès 1945, sous la main experte de Jean Fournier, on assistait à la mise en place d'un réseau d'eau permettant de cultiver ces fruits dont on disait qu'ils devaient avoir "les pieds dans l'eau et la tête au soleil... ".
Ce dernier sursaut de la vie agricole a été important, il a représenté un moment essentiel du "décollage" de Veysonnaz... où la main d'oeuvreétait largement constituée par les femmes et les enfants. Pendant ce temps, les hommes sont occupés aux travaux qu'impose l'élevage ; certains trouvent des emplois à l'extérieur. Les bûcherons allaient offrir leurs services jusque dans le Haut-Valais. L'usine de Chippis a assuré quelques emplois. Plusieurs hommes de Veysonnaz — un par famille disent certains — ont également travaillé à la construction des grands barrages, en particulier de ceux de la Grande-Dixence et de Cleuson. Dès 1960, "on commence sérieusement à descendre à Sion" ; chaque jour, le car postal se remplit de travailleurs qui ont trouvé des emplois dans la capitale. Lentement, la culture des fruits diminue, les terres sont fatiguées. Des temps nouveaux apparaissent qui peuvent être caractérisés par deux mots-clé : le tourisme et l'ouvrier-paysan.
L'avènement du tourisme
Le bisse de Vex sentait bon à la mi-été ; le sentier qui le bordait était transformé en un véritable tapis d'aiguilles de mélèze. Le pas du promeneur ne troublait pas le silence d'une nature qui laissait sa place au chant des oiseaux, aux cloches des troupeaux, à la voix des hommes et, bien sûr, au tonnerre de l'orage. Depuis plusieurs décennies, quelques "étrangers" avaient découvert ces lieux, ils venaient de Sion mais aussi du canton de Vaud, ils ont construit des chalets. Qui ne se souvient pas du "chalet Bridel", du "chalet Schnetzler", du "chalet Mon désir", du "chalet Pletcher", du "chalet Brunner" ou du "chalet Haenni". Quand ces premiers touristes traversaient le village, nous les appelions les "Messieurs". Il est vrai qu'ils étaient bien intégrés au pays, ils aimaient Veysonnaz, ils savaient regarder et respecter la réalité de la vie villageoise.
L'avènement du tourisme, c'est autre chose ; on distingue généralement deux phases dans ce phénomène : celle de la construction de la télécabine avec la figure d'Henri Délèze et celle de la consolidation de "Veysonnaz-Station" où émerge le rôle déterminant de René Fournier.
En effet, en 1956, les premiers jalons pour la construction d'une télécabine ont été posés. Henri Délèze, ancien président, lance l'idée de construire une télécabine reliant Veysonnaz à Thyon. M. Délèze avait beaucoup de relations avec le Club-Alpin suisse et avec la Fédération suisse de ski dont il avait été membre du comité central.
En outre, il était régulièrement en contact avec des personnes qui s'occupaient des problèmes liés au développement touristique. H. Délèze avait sans doute compris que l'agriculture n'était pas promise à un avenir florissant. Il tente donc de jeter les bases permettant de faire de Veysonnaz une station de sports d'hiver. Au début, il eut beaucoup de peine à faire admettre à la population de Veysonnaz le sérieux du projet. Au terme de quatre années d'efforts et d'explications, la télécabine est construite en 1960. En même temps, est fondée la Société de développement de Veysonnaz et environs (SDVE). Il faut aussi rappeler, qu'à l'époque, Veysonnaz comptait à peine quatre cents habitants. La commune n'avait aucune possibilité financière. Il fallait y croire.
Au début, la télécabine était financée par des indigènes ; très rapidement, il fallut faire appel à des financiers de l'extérieur car les deux premières années d'exploitation étaient déficitaires.
En 1964, René Fournier, l'actuel directeur de la télécabine et de la station, reprend les destinées de cette remontée mécanique. «A cette époque, dit-il, la société était en difficultés. J'ai commencé par construire quelques chalets avec mon frère qui a un commerce de bois. Par la suite, nous avons construit des immeubles. Puis, il a fallu songer à l'aménagement sportif de la station. Nous avons construit une piscine avec sauna et fitness, aménagé des places de jeux pour les enfants ainsi que des places de pique-nique. Récemment, nous avons ouvert trois courts de tennis ; ces installations profitent également aux indigènes.
La liaison avec Nendaz et Verbier a donné à notre station un grand essor. Cette étape nous a vraiment sortis de l'isolement. Le tourisme a enrichi la commune et a permis la construction de la nouvelle école et de la salle de gymnastique.
A part les problèmes financiers du départ, il faut aussi mentionner le problème de la clientèle. Au début, il n'y avait pas de chalets, pas d'hôtels, ni de résidences secondaires. L'entretien des pistes de ski posait des problèmes car on n'avait pas de moyens mécaniques pour aménager les pistes et les entretenir.
Les gens de Veysonnaz ont bien accueilli l'idée d'une ouverture vers le secteur touristique ; ils voyaient avec une certaine envie se développer les stations des environs. Pendant l'hiver, le tourisme emploie actuellement cent dix à cent trente personnes, en comptant les emplois annexes (concierges, femmes de ménage, etc...)- La plupart de ces personnes sont employées aux remontées mécaniques, au bureau d'information et de promotion ainsi qu'à l'école suisse de ski. Comme projet futur, je mentionnerai la construction de la télécabine de la piste de l'Ours et le télésiège des "Creppons Blancs".
Les problèmes actuels posés par le tourisme sont de deux ordres. Je noterai d'abord que les gens de Veysonnaz n'ont pas toujours pu s'adapter à un changement si rapide. Auparavant, les habitants étaient, pour la plupart, des paysans qui n'avaient pas l'habitude de côtoyer des gens de l'extérieur, des étrangers surtout.
En outre, le fait d'être en contact avec des vacanciers incite les Veysonnards à s'identifier à eux et à dépenser autant si ce n'est plus que les touristes ; cette tendance se retrouve surtout chez les jeunes. Il faut aussi mentionner qu'il existe un nombre intéressant de postes de travail pour les jeunes, à condition de savoir les langues (anglais, allemand) ou d'apprendre des métiers de l'hôtellerie».
Aujourd'hui, le fait touristique est devenu une dimension essentielle de la vie à Veysonnaz. Source de transformations profondes, il est aussi le terreau dans lequel se tissent les nouveaux problèmes qu'il faudra bien affronter dans un avenir très proche, tout simplement parce qu'ils sont déjà bien présents, parce qu'on en parle et parce que souvent l'on en souffre. Nous y reviendrons.