Bisse de Vex

Documents chiffrés

bissedoc1

bissedoc2Domebissedoc3

AndrepontChepey

Photographies présentées par Isabelle Délèze

 

AndreSierroReconstruction du Bisse Extrait d'un travail présenté par Jessica Thomas - Gymnase de Burier


Dès que l'exploitation du bisse fut abandonnée en 1971, la nature reprit ses droits et très vite, les diverses constructions ne devinrent qu'un souvenir.
C'est en 1989 qu'un comité d'initiative pour la mise en eau a été constitué ; son but étant de restaurer le bisse de Vex. Monsieur Charles-Alexandre Elsig et Monsieur André Sierro sont les pionniers de ce projet. Après avoir pris conscience de l'ampleur des travaux, ils ont mobilisé des personnes. C'est donc en 1993 que le premier coup de pioche est donné. Cette reconstruction est une démarche exemplaire du fait qu'elle n'est réalisée qu'avec des matériaux naturels...
Le devis de restauration s'élevait à 1'400'OOO.-. Finalement, les travaux purent être réalisés pour 985'000.-. Grâce au bénévolat et à l'investissement de chacun. Beaucoup de personnes ont œuvré au bon déroulement des travaux :

Bénévolat du comité directeur, engagement des PC de Sion, de Nendaz, de Veysonnaz, de Salins, des Agettes et de Vex en 1993 et 1994, engagement des troupes du génie en 1994 et 1995, programmes de chômeurs mis sur pied par l'OSEO en 1995, 1996, 1997, 1998 et 1999, engagement de détenus de la colonie pénitentiaire de Crêtelongue.
Les principaux problèmes rencontrés furent les rochers, les feuilles mortes qui bouchaient le bisse, mais également la pousse de certains arbres au milieu du bisse. De plus, la pente devait être refaite et il fallait faire attention à ne pas démolir l'étanchéité réalisée par nos ancêtres.

Travaux et entretien du Bisse

Durant les semaines de mai à octobre, c'est un garde qui gère l'entretien du bisse. Tous les matins, il le parcourt de Planchouet aux Mayen-de-Sion afin de vérifier qu'aucune branche n'obstrue le bisse. Un système avertit également le garde en cas de problème. C'est un marteau avertisseur qui tourne grâce à l'eau et qui frappe sur une autre planche de bois. Ainsi, il émet un bruit qui résonne à travers toute la vallée. Quand le garde n'entend plus le son du frappement, c'est qu'un endroit du bisse est bouché. Lors de jours de gros orages, il est continuellement sur le pied de guerre. Durant tous les week-ends, ce sont des bénévoles qui assurent le gardiennage du bisse. Avec leurs râteaux, ils le parcourent de long en large 24 heures sur 24.

Après 12 ans de dévouement pour le bisse de Vex, André Sierro a pris sa retraite. Il a accepté de collaborer avec le nouveau garde afin de l'aider et de le conseiller.

Certains  travaux, comme l'amélioration de  tronçons s'effectuent durant des journées spécialement organisées.
Concrètement, la construction de la station de départ de la nouvelle télécabine de Veysonnaz a occasionné le déplacement du bisse.

Durant les deux premiers samedis de mai, les amis du bisse de Vex se réunissent afin de procéder aux corvées du bisse.
Le rendez-vous est donné à 8h00. Pelles, râteaux, brouettes à la main, plusieurs équipes se forment et vont se répartir sur les différents tronçons.  Leur mission : enlevez feuilles mortes, branches et toutes autres saletés présentes dans le bisse. Un petit ravitaillement est fait vers les 9-10 heures. Les bénévoles peuvent se rafraîchir avec un petit verre de blanc ou de rouge et faire une petite collation. Vers 13h00, tous sont invités à une raclette.
Suite à ma demande auprès de Monsieur Elsig, j'ai eu la chance de pouvoir participer aux travaux de nettoyage du bisse de Vex. Accompagnée de mon papa, nous nous sommes rendus à Veysonnaz, sac au dos, parapluie et caméra à la main. Formidablement bien accueillis par Monsieur Sierro (ancien garde du bisse) et Madame Edna Favre (présidente actuelle du bisse), nous avons surtout aidé au ravitaillement des travailleurs. Après avoir reçu une casquette, rempli nos sacs de sandwich, de bouteilles de vin, nous sommes partis en direction de Planchouet. Accompagnés de Madame Edna et de Madame Berthe Sierro, nous avons parcouru une partie du bisse. Tout au long du trajet, nous avons eu le privilège de récolter des commentaires, des explications ainsi que diverses anecdotes.
Trois groupes s'occupaient du nettoyage sur ce tronçon. Après l'apéro, les travailleurs ont généreusement acceptés de me parler de leur bisse. Face à la caméra, ils m'ont confié les secrets du bisse et leur amour pour celui-ci. Amicalement invités à la raclette qui suivait, nous avons pu partager ce moment de convivialité. A table, les souvenirs sur la reconstruction du bisse animaient les discussions ; le bisse est partout.
Je suis vraiment enchantée d'avoir pu partager ce moment avec les Amis du bisse. J'y ai rencontré des gens passionnés, dont les yeux pétillent lorsqu'ils évoquent leur bisse. L'ambiance était vraiment chaleureuse. De plus, nous avons été extrêmement bien accueillis. Invités à revenir l'année prochaine avec nos râteaux, nous allons emmener le reste de la famille et leur faire découvrir les joies de ces merveilleuses journées de travail et d'amitié La mise en eau du bisse se déroule peu de temps après les corvées. Le garde du bisse ainsi que certains volontaires sont présents. La mise en eau est très impressionnante et stressante. Il faut, en effet faire très attention que le bisse ne déborde pas. Une seule erreur peut provoquer un glissement de terrain voire une rupture des parois du bisse ce qui peut mettre les villages en danger.TrioduBisse

l’Association des amis du Grand Bisse de Vex.


C'est en 1989 que les Amis du bisse de Vex se sont réunis en un comité provisoire avec une seule idée en tête: remettre en eau le bisse de Vex. Dès que leur projet fut rendu public, ils ont reçu spontanément des versements de particuliers. Les montants mis à disposition par ces privés étaient importants et ont permis de réaliser ce projet.

Une fois les travaux achevés, en 1999-2000, Monsieur Charles-Alexandre Elsig prend l'initiative de fonder une association officielle : les Amis du Grand bisse de Vex. Son but premier est la collaboration avec le gardien de bisse à l'entretien, ce qui représente 60'000 francs par année. Heureusement, les différentes communes prennent en charge les 2/3 de cette somme et l'association le 1/3. Cela lui permet de conserver 5'000 francs en fonds de réserve en cas de travaux supplémentaires ou d'imprévus. Actuellement cette association compte 700 membres. La cotisation annuelle se monte à 30 francs. Une fois par années, une assemblée générale a lieu.

Pourquoi l’homme tente-t-il de redonner naissance aux bisses ? Quelles sont ses motivations ?

L'enquête sur le terrain débouche sur la découverte des causes d'un tel engouement pour la reconstruction du bisse. Pour certains, ils l'aiment car "ils ont vécu ça depuis tout gamin". Leurs parents s'occupaient du bisse et celui-ci leur permettait d'irriguer leurs cultures ; d'une certaine façon, il les aidait à vivre. Pour les personnes plus âgées, leur intérêt pour le bisse remonte à l'époque où "leurs enfants jouaient avec des petits bateaux." Pour d'autres, le bisse a un côté chaleureux, il a une âme, c'est le lien avec leurs ancêtres. Les gens aiment leur patrimoine, car c'est ce qu'ils vont léguer aux générations futures. Pour l'instant, ils ne voient pas de véritables motivations de la part des jeunes, mais ils considèrent comme leur devoir de les y intéresser. C'est donc une des nombreuses raisons qui les poussent à œuvrer au service du bisse.

 

 
 
 
 

 

 

bisse2 Historique tiré des archives cantonalestexte de Geneviève MARIETHOZ et de Bernard TRUFFER

 

En 1476, une année après la fameuse bataille de la Planta qui réunit le Valais jusqu'à St-Maurice sous la houlette de l'évêque de Sion, l'acte précédent est complété par une convention passée cette fois entre les communes de Vex et des Agettes et les villages de Veysonnaz et Clèbes stipulant le mode de passage du bisse de Vex dans l'aqueduc de Veysonnaz. La teneur essentielle de cet accord réside dans le fait que toutes les précautions sont prises pour assurer l'arrivée d'eau nécessaire à l'irrigation des propriétés sises sur les territoires des communes concernées. Ainsi sont réglementés tous les cas litigieux pouvant se présenter, tels que le paiement des frais lors de dégâts, le gardiennage du bisse qui incombe entièrement aux gens de Vex, les réparations et les travaux d'entretien. Les tâches sont clairement définies et distribuées en différentes parts à chacun des contractants. Ces dispositions n'ont-elles jamais été contestées ? L'absence totale de documents pourrait le laisser supposer. Il est toutefois probable que le règlement du grand bisse ait subi des adaptations à intervalles plus ou moins réguliers. Nous ne connaissons, hélas, que le dernier règlement, celui qui était encore en vigueur lors de l'abandon du bisse.

Ce règlement date de 1929 et a fait l'objet d'une homologation par le Conseil d'Etat. En quarante-cinq articles, l'utilisation du bisse est planifiée en spécifiant, premièrement, que le droit de passage du bisse de Vex sur les communes de Nendaz et Veysonnaz découle des actes de 1453 et 1476. Deuxième point im­portant : les droits au bisse sont représentés par des actions, équivalant chacune à une heure de droit de fonds. Ces actions sont divisées en six cents heures de droit de fonds et ces fonds eux-mêmes en deux grands tours : le tour de gauche du côté des Agettes et le tour de droite du côté de Vex. Autre élément saillant : pour être consort du bisse, il faut posséder au moins un quart de droit de fonds. Ces droits ou actions peuvent se vendre ou se louer et le consortage possède un droit de préemption sur les fonds des consorts. La société s'organise en deux grands blocs : l'assemblée des propriétaires en qui réside le pouvoir de décision du consortage et le comité composé de trois membres : le procureur du bisse, le directeur des travaux, le secrétaire caissier, comité qui a à sa charge la direction administrative et fi­nancière de la société, gère et surveille le déroulement des travaux et réparations diverses, rédige les projets de règlements ou modifications des statuts, et finalement représente le consortage vis-à-vis de tiers dans des affaires importantes.
Dans un deuxième temps, ce règlement détaille tous les problèmes auxquels le consortage peut se trouver confronté dans ce domaine vital qu'est l'irrigation : le processus d'obtention de l'eau, de bonification, le mode d'utilisation de l'eau. L'organisation des travaux du bisse est également statufiée ainsi que tout l'aspect financier, la gestion des comptes et les tâches du garde, personnage ô combien précieux à la survie du bisse.

 
Mis à part le règlement abordé ci-dessus et pour toute la suite du 20ème siècle, le seul document permettant de visualiser l'his­toire du grand bisse de Vex est le protocole des séances du consortage. Il dévoile que, les années avançant, les séances sont de moins en moins suivies. Cette baisse de fréquentation peut être in­terprétée comme un recul général de l'agriculture en tant que source principale de revenus, recul qui se répercute sur l'utili­sation des bisses d'irrigation. L'eau d'arrosage n'est plus au­tant demandée, conséquemment les heures de charge diminuent. Mais parallèlement à la baisse d'un intérêt purement agricole, se pro­file la volonté de maintien du bisse, volonté découlant d'un intérêt que l'on peut qualifier de touristique. Effectivement, en 1931 déjà, le consortage doit répondre à une demande de la Société de développement des Mayens-de-Sion qui aimerait voir le bisse chargé au moins jusqu'au 20 septembre de chaque année. Accord est donné par le consortage "à titre de bien plaire". Cette situation va durer jusqu'en 1971, date à laquelle les consorts décident d'arrêter l'exploitation du bisse. Cependant pour ne pas laisser prescrire leurs droits, les membres de l'assemblée invitent le comité à se mettre en contact avec les communes de Vex et des Agettes pour la reprise à leur compte des droits du consortage sur les eaux de la Printze avec transfert de droits d'exploitation à la sortie du tunnel de Thyon, seule solution rationnelle qui permettrait la continuité de l'aqueduc. Aucune décision ne sem­ble n'avoir été prise à ce moment. Mais en 1990, les droits d'eau possédés par le consortage sont cédés aux communes des Agettes et de Salins.
Voilà, brièvement parcouru l'historique du grand bisse de Vex, avec, nous le répétons, une lacune au niveau des sources qui laisse cinq siècles dans l'ombre. Mais si son histoire reste à compléter, le grand bisse de Vex, plusieurs fois centenaire, ap­partient par essence au paysage rural valaisan, il témoigne d'une culture agraire, d'une façon de travailler et finalement d'un mo­de de vie ancestral à jamais disparu. Indépendamment de l'attrait touristique qu'elle déclencherait, une remise en eau permettrait aux générations futures d'appréhender concrètement la volonté de mise en valeur des terres dont leurs ancêtres ont fait preuve et jouerait dans ce sens un rôle de référence historique indéniable.

En Valais, le rôle vital joué de tout temps par les bisses d'irrigation dans le domaine agricole n'est plus à démontrer, leur grand nombre et leur ancienneté en témoignent. Ainsi, au 15ème siècle déjà, débute l'histoire du grand bisse de Vex. Histoire qui reste malheureusement incomplète étant donné l'absence presque totale de sources entre le 15ème et le 20ème siècle. En effet, indépendamment des actes de 1453 et 1476 dont les originaux se trouvent respectivement dans les archives de la commune de Nendaz (AC Nendaz Pg 23) et dans celles de Vex (AC Vex Pg 29 bis), les documents utilisés sont du 20ème siècle. Le manque de sources primaires d'archives entre 1476 et le 20ème siècle n'implique bien sûr pas la non utilisation du bisse. Nous le trouvons souvent cité comme limite de propriété dans les actes notariés. Et lors de ventes de biens, les droits d'eau y sont soigneusement indiqués. Il est permis de croire que les procureurs de l'ancien consortage du bisse disposaient d'autres documents et nous espé­rons qu'on les retrouvera et qu'on nous les transmettra, afin de pouvoir, un jour, compléter et achever l'historique de ce vénérable aqueduc.