Pâturages et Forêts
Source : Les Pâturages de la région de Sion - Théodore Kuonen
La pratique du parcours du bétail remonte au temps des premiers colonisateurs qu'on attribue au Néolithique : L'homme devenu sédentaire cultive la terre et pratique l'élevage du bétail. La pâture libre du bétail va s'étendre sur de vastes secteurs. Les terrains incultes, les forêts, les pâturages, sont soumis à un système communautaire qui est le fondement de l'exploitation des biens communs. Pour être utilisables, les alpages doivent être défrichés et leur exploitation ne peut se faire qu'en commun.
Au moyen-âge, sous le régime de la féodalité, les terrains communaux vont passer à de puissants seigneurs. Les communautés qui vont réapparaître au XIIIe siècle vont pouvoir jouir en commun de ces possessions sous certaines conditions. Le fait d'appartenir à une communauté, d'habiter le village ou encore d'être propriétaire d'immeubles sur le territoire communal donne à chacun des droits égaux.
Le parcours du bétail est étroitement lié à la pratique des jachères qui laisse annuellement une parcelle sur deux (éventuellement sur trois) inculte, donc sans rapport, et à l'usage de l'assolement des champs, lequel consiste en une rotation des cultures qui se succèdent méthodiquement.
Cette alternance des cultures était rendue nécessaire par l'épuisement des sols produisant des céréales et à l'impossibilité de pouvoir embumenter (puriner) toutes les parcelles chaque année. Il fallait leur permettre de se régénérer. Ce renouvellement pouvait être accéléré par le labour et l'apport d’engrais, mais surtout par la rotation des cultures ; en introduisant une plante moins exigeante, on pouvait même améliorer la fertilité. La rotation se faisait sur deux ou trois ans. L'assolement biennal semble avoir été pratiqué le plus souvent en Valais. On alternait surtout le seigle et l'avoine, puis des légumineuses et, plus tard, des pommes de terre. La commune pouvait autoriser la pratique des « esserts » (terrain défriché) sur les terrains communaux. Il s'agit alors plutôt d'exploitations complémentaires et de courte durée, soit pour deux à trois récoltes, laissant ensuite le terrain au repos pendant plusieurs années. Après la moisson à la faucille et encore pendant l'année où la parcelle restait en friche, les membres de la communauté pouvaient amener leur bétail sur les champs, ce qui constituait un complément précieux pour la paisson (pâture); au point que certaines communautés défendaient de convertir un champ en pré, sans leur consentement. En raison du morcellement successif des terres par suite des héritages, on en arrivait à des bandes de champ très étroites ; en sorte que tous les propriétaires devaient respecter une uniformité de culture afin que l'utilisation des jachères ne nuise pas aux parcelles cultivées. Le parcours du bétail était pratiqué non seulement sur les terres laissées en commun mais aussi sur les propriétés particulières. A cet effet, les clôtures existantes devaient être enlevées le moment venu. Le parcours était appelé «vaine pâture» s'il était exercé en automne, après les récoltes, ou «printée» s'il avait lieu au printemps, pour la première herbe. Les propriétés particulières, à peine la récolte rentrée, devenaient donc des libres parcours, d'abord pour tout le bétail, plus tard pour les moutons et les chèvres seulement. Comme seuls les membres de la communauté exerçaient le droit de parcours sur toutes les terres après les récoltes, y compris celles des étrangers à la communauté, il restait peu de temps au propriétaire non-bourgeois pour jouir de ses biens.
Les statuts prévoyaient qu'on ne pouvait pas amener plus de têtes de bétail sur ces pâturages qu'on ne pouvait en hiverner du produit de ses propres terres. Ce système avait pour conséquence que le riche éliminait le pauvre de la jouissance du parcours. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant non plus que le petit propriétaire n'ait pas cherché à améliorer ses biens.