En 1812, un certain Dr. Schiner parcourait le Valais ; il faisait halte dans chaque village et notait ses impressions, voici ce qu'il retient de son passage à Veysonnaz.
«On observe d'abord sur une belle hauteur, et immédiatement au-dessous d'une jolie petite forêt de mélèzes, et au-dessus de belles prairies un grand village nommé Veisonna, assez peuplé, où les habitants sont de braves gens, menant une vie dure et laborieuse, mais dont les hommes qui viennent tous les samedis au marché de Sion pour y vendre des bois de bâtisse et autres, sont très adonnés au vin, et même à l'ivrognerie, au point même qu'ils retournent ordinairement chez eux assez pris de vin, tandis que leurs épouses sont fort braves, vertueuses et modestes.
Les gens de Veisonna sont au reste assez honnêtes et affables, et d'un caractère doux et paisible ; leur habillement est d'un drap grossier du pays, tirant sur le noir, mais leur langage, comme celui de tous les montagnards de cette rive du Rhône, est un jargon français très difficile à comprendre, et très dur à prononcer».
Ce tableau peu complaisant montre une société solidement repliée sur elle-même, vivant presque en autarcie. Ce n'est que depuis 1870 environ, que les Veysonnards commencent à descendre régulièrement à Sion et font commerce de leurs modestes produits ; au retour, leurs mulets sont chargés de denrées de base, un peu de sucre, de sel et de café.
Ainsi vivait-on à Veysonnaz vers la fin du siècle dernier. Les gens achetaient peu de choses : du café, du sel et, de temps en temps, un pain bis. On vivait de ses produits : comme chaque famille avait du bétail, on tuait une vache ou un boeuf ; ainsi on avait suffisamment de viande pour toute l'année... ou presque. Durant l'hiver et au début du printemps, les propriétaires de vaches apportaient le lait à la laiterie. Selon la quantité de lait, on avait droit à un certain nombre de kilos de fromage, de beurre et de sérac. Le même processus se reproduisait lorsque les vaches étaient à l'alpage. Les produits laitiers ne manquaient généralement pas et les propriétaires de gros troupeaux étaient fiers de montrer à leurs parents ou à leurs proches l'impressionnante rangée de fromages soigneusement alignés et bien entretenus à la cave.
Beaucoup de familles avaient des vignes et on encavait un peu de vin. Il est évident qu'on ne vendait pas la vendange ; toute la récolte était montée au village et était consommée. A la fin du printemps, lorsque les tonneaux étaient presque vides on "faisait la piquette". L'opération consiste à rajouter de l'eau et un peu de sucre au vin restant dans le tonneau. La "piquette" était la boisson traditionnelle du paysan pendant les pénibles travaux de la campagne.
En été, tous les hommes en bonne santé travaillaient la campagne; en hiver ils "gouvernaient" le bétail et coupaient du bois. On profitait aussi de prendre quelque repos, après les durs travaux de la "bonne saison". De temps en temps, il y avait, en hiver, une "coupe de bois" qui donnait du travail aux hommes et qui assurait la réserve de bois de chauffage. Faire une coupe de bois c'est abattre des arbres dans la forêt mais pas n'importe lesquels. Le garde-forestier, armé de la hachette dont le talon-marteau porte en relief les lettres VZ, marque de la commune, pratique une entaille en forme d'écusson sur la tige du sapin et frappe l'empreinte du marteau, tandis que le marqueur écrit à la craie le numéro du lot. Il comprendra un, deux, trois, quatre arbres ou plus, suivant leur grosseur. Reportés sur des billets indiquant le nombre de sapins ou de mélèzes les numéros sont tirés au sort.
En contrepartie, celui qui a décidé de tirer un lot devra faire une corvée, à savoir une journée de "manoeuvre". Le forestier en assure l'organisation et la direction. Il fait procéder à l'amélioration des chemins forestiers, à la construction de nouveaux tronçons et au reboisement des terrains communaux.