Interview

Née le 2 décembre 1925. Vivait chez ses parents pendant la guerre et était l’aînée de sept enfants.

Lydia GlasseyQuel était ton état civil pendant la guerre ? « Pendant la guerre, je vivais chez mes parents et puis là, à treize ans déjà, je suis descendue à Saxon pour l’été et comme j’étais l’aînée, pour un salaire de 30 francs par mois. Et puis entre-temps, il y a eu la guerre de 39 justement. Alors la deuxième année que je suis descendue, j’avais déjà 60 et puis j’ai aussi travaillé aux vignes pour 3,60F par jour. J’avais douze ans. Comme on pensait que je n’allais pas assez vite pour avoir un salaire comme les autres, je gagnais 3,60F par jour. »

Là, tu travaillais aux vignes ? « Oui, à Saint-Pierre-de-Clages. On dormait en bas la semaine et puis on rentrait le samedi. On allait même des fois presque jusqu’en haut à pied. Une fois, on avait raté le train pour venir jusqu’à Châteauneuf alors on était monté en haut à pied depuis Saint-Pierre-de-Clages. »

Depuis Saint-Pierre-de-Clages jusqu’ici ? « Ah oui, oui. On prenait le temps, ah qu’est-ce que tu veux, on avait notre paie dans la poche alors on était tout contents. »

Mais tu descendais avec les frères et sœurs ? « On était toute une équipe. Oui, j’étais seule de ma famille mais on travaillait avec toute une équipe. Je crois que j’étais dans les plus jeunes de Veysonnaz et de Clèbes. Mais par contre, si on allait aux vignes pour travailler à Vétroz, alors les vignes qu’on avait nous-mêmes, c’était à pied et on pouvait descendre le matin et monter le soir. Des fois on restait en bas et puis on avait des petits… comment ils appelaient… des « mazots ». Il y avait pas de luxe, ni au point de vue vaisselle, rien. On vivait avec ce qu’on avait. On faisait surtout une soupe et puis le café et puis à part ça, on prenait en bas un peu de fromage qu’on avait ici, un peu de salé, des saucisses, parce que la boucherie, ici on la faisait nous-même. C’était rare qu’on y allait. Mais pour ça, on était gâté ici parce qu’en automne, on faisait la boucherie nous-mêmes et donc on avait de quoi manger quand même. Mais on n’a jamais eu faim, ça il faut reconnaître. On avait le blé avec quoi on faisait le pain de seigle. Moi je me rappelle quand par exemple on faisait les « merveilles », on allait couper le froment, on le lavait et puis on le mettait sécher sur les toits de taule et puis on allait le retourner pour qu’il soit bien sec pour amener faire la farine pour avoir de la bonne farine de froment. Non, non, mais on a eu la vie dure si on veut, mais on n’a jamais eu faim. On ne peut pas dire qu’on a été dans la misère, ça sûr pas. On n’était pas gâtés soit point de vue par exemple vêtements et tout ça, ou bien meubles ou bien le confort dans les maisons. On n’avait ni eau courante, donc il fallait aller chercher à la fontaine. Pour les toilettes, il fallait aller à l’extérieur. Moi je crois qu’on pourrait pas reprendre ça maintenant. Je pense souvent, ça ne serait pas une vie à recommencer mais après tout, on a vécu des beaux jours. Et puis on profitait de ce qu’on avait au moins. On avait le temps pour tout, tandis que maintenant les gens sont tellement stressés. Ils ont tout et puis ils ont rien finalement, ils sont toujours pressés, pressés, pressés. Là on prenait le temps. En hiver, on avait ces longues veillées. C’était vraiment super. Mais qu’est-ce qu’on veut, on ne revient pas en arrière. Il faut vivre avec ce qu’on a maintenant. On ne regrette pas, mais c’était des bons moments.

Les hommes, en hiver, le gagne-pain qu’ils avaient, c’était d’aller travailler dans ces coupes de bois. C’est vrai que des fois, je me rappelle quand Papa allait. Les thermos n’étaient pas connus. Maman mettait des bons bas de laine pour emballer les bouteilles de café et il fallait avoir du bon vin, mais le bon vin, il paraît que ça gèle pas. Mais il fallait au moins garder tiède le café pour dîner, le pain, saucisse et fromage qu’on faisait mêmes, mais c’est vrai que c’était un travail pénible et puis on n’était pas habillés chaudement comme maintenant. »

Seulement les hommes descendaient ou toute la famille ? « Si c’était pour nous, on allait aussi. Par exemple si on prenait le mulet, on allait pour amener le mulet et puis il y avait Papa qui était là.

Mais on allait parfois chercher le bois à dos de mulet jusqu’en haut dans les forêts, car on n’avait pas de chauffage électrique, pas de chauffage central. Il fallait se chauffer avec ce qu’on avait. 

Mais en été, les hommes allaient souvent travailler la journée dans les vignes et c’est comme ça qu’ils avaient un gagne-pain. »

Etait-ce le principal travail que les hommes avaient ? « Oui, oui. Jusqu’à quand plus tard, c’est venu qu’ils ont commencé à travailler à l’usine de Chippis. Mon Papa il a travaillé là-bas pendant des longues années. Mais il descendait à pied jusqu’à Beuson et même jusqu’à Sion pour en finir avec ces cars qui ne venaient pas, car il y avait moins d’ouvriers. Mais c’était un bon gagne-pain et on avait déjà la vie beaucoup plus facile à ce moment-là. »

A quelle période c’était ? « Sitôt après la guerre. Mais il avait déjà commencé que la guerre n’était pas finie. Mais après la guerre, les salaires ont aussi augmenté, c’est sûr. »

Pendant la guerre, tu étais une paysanne ? « Oh oui, c’est ça la première chose qu’on a appris. Moi j’étais l’aînée et je me rappelle quand j’avais dit que je voulais aussi faire quelque chose maintenant qu’ils étaient plus grands derrière. On était sept. Alors Maman elle a dit : « C’est pas possible, on peut pas laisser partir, parce que si les plus grands partent… » Mais tu vois, direct après, c’est devenu beaucoup plus facile. Les autres, ils ont quand même pu sortir un peu et faire des petits apprentissages. Pas tous non plus. »

Mais pendant la guerre comment ça se passait ? « Oh pendant la guerre, on s’arrangeait bien, car il y avait ces coupons. On ne pouvait pas acheter ce qu’on voulait, il y avait les coupons pour le pain, pour tout. Alors si quelqu’un avait des coupons en plus pour certaines choses, alors on s’arrangeait entre les familles. Par exemple, Maman elle s’arrangeait avec ses tantes, ses sœurs. »

Par exemple si certains avaient plus que d’autres ? « Oui certains n’utilisaient pas tout. Parfois, les uns aimaient plus le sucré ou plus le salé et puis tout le monde s’arrangeait. Par exemple, ceux qui avaient plus de bétail, c’était plus facile. Mais ils avaient plus de travail, il fallait travailler plus longtemps à rentrer soit le foin, soit les récoltes qu’ils avaient pour eux. Alors là, on pouvait échanger. On allait donner des coups de main, c’était pas pour de l’argent mais c’était pour manger, pour vivre. »

Mais est-ce que vous manquiez de nourriture avec les quantités prévues par les coupons ? « Non ! Bon je veux bien que là où ils n’avaient rien chez eux, là ils devaient être assez serrés. Mais quand on avait toujours assez de patates, de choux, de carottes et de trucs comme ça, on arrivait à vivre très honnêtement quand même. »

Même si les produits étaient rationnés ? « Oui, mais je veux bien qu’on vivait pas comme maintenant. On pouvait moins facilement aller acheter et dire « J’aime ceci et j’aime cela ». On vivait avec ce qu’on avait. »

Pouviez-vous acheter des choses ? « Le sucre, le sel et puis le pain encore. Mais pour le pain, quand on allait faire le pain, on faisait le pain de seigle pour un mois et puis on le mettait au « galetas ». Quand on mangeait les derniers morceaux, alors là, il ne fallait pas utiliser le couteau, mais une petit hache ou un outil spécial tellement il était dur. Mais tremper avec quelque chose ou n’importe, c’était encore très bon. »

Donc vous gardiez le plus possible ? « Oui, oui, on faisait des réserves. »

Qui distribuait les coupons ? « Nous on est sur la commune de Nendaz, alors ils venaient depuis Nendaz. Il y avait un monsieur, justement, il y a encore un de ses garçons qui a marié une fille de Clèbes, là, Marcel Mariéthoz. Mais pour en finir, nous, le seul nom qu’on disait, c’était « Jean di tickiet », « Jean des tickets », parce qu’il venait distribuer les tickets là. Beaucoup des personnes âgées savaient son nom, mais nous, enfants, on ne savait pas. Alors on savait qu’aujourd’hui il y a « Jean di tickiet » qui arrive. »

Comment procédait-il ? « Alors il disait, vous êtes tant de personnes, vous avez droit à tant. Il ne pouvait pas distribuer comme il voulait, bien sûr, c’était d’après ce qu’on avait le droit. »

De quoi ça dépendait ? « Ça dépendait des personnes adultes qui n’avaient plus besoin, ça dépendait du nombre d’enfants, c’était rationné par rapport au besoin qu’ils pensaient qu’on ait. »

Est-ce que les coupons étaient distribués équitablement ? « Oh ben je pense qu’il y avait de ceux qui allaient changer les coupons. Par exemple, je sais que certains changeaient pour le sucre, car le sucre, on utilisait beaucoup plus que maintenant. Je sais aussi que certains descendaient à Sion dans des commerces où ils étaient connus et ils échangeaient certains coupons pour autre chose. »

Contre quoi ? « Contre par exemple des pâtes ou bien je sais pas quoi ! Mais certains arrivaient à faire les « knöpflis » avec leur farine alors ils pouvaient échanger pour autre chose. Non, non mais je crois qu’il fallait savoir se limiter, se rationner un peu, mais jamais les gens n’ont eu faim, ça c’est pas vrai ça. Mais je veux bien que là où ils avaient rien pour eux, comme je dis, dans des villes où ils n’avaient rien de tout ce qu’il fallait acheter. Quand on avait déjà enlevé le fromage, la viande, la farine, tous les légumes. Nous on encavait des patates. Tous ces champs, qui sont plus champs maintenant, là, en dessous du village, c’étaient tout des champs, là en haut sur le coteau, c’était tout des champs et des jardins. Alors il y avait beaucoup de travail pour faire tout ça, on peinait beaucoup, mais on avait au moins la réserve pour l’hiver. Je me rappelle quand Maman disait des fois : « Dire qu’on fait tout ça rien que pour manger l’hiver. » C’était pour vivre quoi. »

Est-ce que certains aliments manquaient ? « Quand on avait déjà la viande, le lait, les légumes. Bon c’est sûr, il y a de ceux qui avaient plus que d’autres parce qu’ils avaient beaucoup plus de terrains. Il y avait comme on dit les plus riches et les plus pauvres. Où il y avait des grandes familles peut-être, car c’est vrai qu’il y avait beaucoup plus de grandes familles que maintenant en ce moment-là aussi. Peut-être bien qu’il fallait serrer un peu plus, mais ils arrivaient quand même. »

Tes deux parents étaient-ils paysans ? « Oui, bien sûr, au village il n’y avait rien d’autre, à part ceux qui ont commencé déjà à partir, déjà pendant la guerre, comme les prêtres qui partaient faire des études ou comme les instituteurs. Les gens plus aisés, ils pouvaient aussi. Je me rappelle quand Maman disait : « A Beuson, c’est le village de la commune où il y a le plus d’ânes et le plus d’instituteurs. » Je ne sais pas pourquoi mais je pense qu’ils avaient plus de facilité que d’autres déjà pour apprendre. Eux ils avaient des ânes, mais je me rappelle que Maman disait que ça servait à rien. Ici, on avait des mulets et ceux qui n’avaient pas assez de sous, ils le partageaient entre trois familles. Pendant la guerre, certains commençaient à faire des études ou à faire des apprentissages. D’autres passaient un hiver à Châteauneuf, car ça rendait bien service pour travailler l’agriculture, parce que c’était une école spéciale pour ça.

Les vêtements n’étaient pas rationnés. Mais il y avait beaucoup moins. Il fallait économiser pour tout, parce que je me rappelle, il a commencé à passer ces voyageurs qui faisaient du porte à porte et ils trompaient souvent les gens. On pouvait se faire rouler, car après les gens profitaient de rouler ceux qu’ils pouvaient. Je me rappelle qu’un de Beuson s’était fait rouler avec ce voyageur qui lui avait vendu du tissu. Je me rappelle qu’on mettait de côté des « pattes » tellement que les vêtements qu’on mettait ils étaient usés et raccommodés. Il y avait des pièces aux fesses, aux genoux. Mais ça, il ne fallait encore pas jeter, car il y avait un qui venait depuis Sion, on l’appelait « le patti ». C’est « les pattes » en patois. Il montait depuis Sion avec sa femme avec une hotte pleine de vaisselle et puis il pesait et on échangeait les habits contre une tasse ou un pot à lait. Tu vois comme tout était calculé. »

Cela se passait pendant la guerre ? « Oui pendant et encore après. Quand on avait une casserole percée, c’était le « magnin » qui montait et puis il bouchait les trous. Un bidon de lait percé, il ne fallait jamais jeter. Tu vois comme tout était calculé. Les containers n’existaient pas. Nous les vêtements, on faisait tout nous-mêmes. On tricotait, on faisait les chaussettes et il ne fallait surtout pas les jeter quand il y avait un trou. On a connu la vie dure, mais ce n’était peut-être pas un mal. On a peut-être appris mieux la valeur de l’argent, de tout. Mais après avoir connu la vie de maintenant, on ne pourrait pas revenir. »

Vous aviez du bétail ? « On avait des vaches à lait surtout, car c’était celles qui avaient le rendement pour le fromage. Ceux qui étaient plus aisés, ils faisaient du lait toute l’année avec une vache qu’ils gardaient au village. Nous, on ne pouvait pas, alors on avait des chèvres, c’était la vache du pauvre. On avait aussi des poules. Toutes les années, en automne, on faisait la boucherie. On tuait un cochon et certains avaient une vache ou ils se mettaient à deux. Mais on ne pouvait pas congeler la viande, alors on faisait sécher au « galetas ». »

Aviez-vous assez de bêtes ? « Oui, il n’y avait pas de contingent pour ça. Mais les mulets étaient mobilisés, sauf les estropiés et les vieux. Alors il fallait faire encore le travail du mulet en plus. »

Beaucoup de gens ont été mobilisés au village ? « Oh tous. Alors tu vois, ça faisait beaucoup de travail pour les femmes qui restaient. Je crois qu’ils n’avaient même pas deux francs. C’était un supplément de travail pour tout. »

Ton papa a-t-il été mobilisé ? « Oui, mais il était complémentaire. Je ne sais pas comment on dit aujourd’hui. Il ne s’occupait pas de surveiller les frontières, mais il allait aider les grands agriculteurs de la plaine qui n’arrivaient pas à donner le tour. Il avait été réformé. Maintenant, ça s’appelle le service civil. Mais il devait rester le temps qu’ils avaient besoin, qu’on ait besoin de lui à la maison ou non. »

C’était donc dur pour les femmes au foyer ? « Oui, c’est sûr. Je me rappelle quand je revenais de l’école et Maman me disait : « Va vite chercher du bois, il y a plus assez pour faire le souper. ». Et puis on allait laver le linge à la fontaine, mais on n’avait pas le droit de laver le linge à la fontaine du village, parce que le bétail ne buvait pas quand il y avait du savon. Alors on devait aller tout au fond du village et c’était rigolo de se retrouver à plusieurs là-bas. Mais parfois, en hiver, quand on revenait du bassin et qu’il faisait tellement froid, on avait les habits gelés sur nous. »

Etait-ce dur pour se chauffer en hiver ? « Ah oui, ça c’était dur, c’est vrai. Et puis on n’avait pas les duvets nordiques et tout ce qu’on a maintenant. Les draps, ils faisaient mêmes avec le chanvre, mais c’était rêche, c’était froid ces machins. Les matelas, c’était des paillasses. »

Aviez-vous assez de bois ? « Oh il fallait faire des réserves. Parfois, on avait du bois vert, alors ça brûlait encore mal. Des fois, on allait à la foire chercher le bois avec le mulet, parce que c’était moins loin que d’aller chercher à la forêt. »

Les enfants allaient-ils plus aux champs qu’à l’école ? « Ça commençait le premier novembre et ça finissait la fin avril et ils avaient congé seulement le jeudi après-midi. Alors ils devaient aller aider à la vigne ou à sortir les patates quand ils avaient congé. Les mères au foyer, elles avaient ni leur mari et parfois ni leurs enfants. Alors elles n’étaient pas toujours au foyer. Elles devaient aller travailler aux champs et s’occuper des enfants. C’est pourquoi les aînés allaient aider très jeunes les parents. Pour les mamans, la vie n’était pas facile. »

Avez-vous senti des changements avec le plan Wahlen ? « Oui. Il nous a sortis du pétrin. Déjà avec les fraises; il y avait jusqu’à trois camions qui partaient de Veysonnaz. Ça a aidé les gens à pouvoir s’en sortir un peu plus. Après, il y a eu la framboise. »

Quel a été l’accueil du plan Wahlen dans le village ? « Je crois que ça a surtout été mal compris. C’est seulement après qu’on s’est rendu compte de ce qui a été fait.

A-t-il eu des conséquences réelles dans le village ? « Oh oui, je pense. C’est vrai qu’il y avait plus de sous. La vie était plus facile. »

Les cultures ont-elles réellement augmenté ? « Non, je ne pense pas vraiment à Veysonnaz. Mais par exemple, le premier tracteur, c’est en même temps que l’introduction du plan Wahlen, en 1940 là, qu’il est arrivé. Ça a donc quand même facilité les choses. Et puis il y avait plus de travail. »

Alliez-vous faire des échanges avec les gens de la plaine ? « Ben c’est comme ça qu’on a les vignes. Ils n’avaient pas de paille. Alors ils échangeaient des mètres de vignes contre de la paille. C’est pour ça qu’on a des petits carrés de vigne un peu partout. C’était par rapport à ce que les gens amenaient en bas. Mais ça c’était dans tout le Valais, c’était pas seulement ici. Les Bagnards, par exemple, ils ont du côté de Fully. Ceux d’Hérémence, ils ont par Sion. Les vignes, il n’y avait pas ailleurs que sur la rive droite. Heureusement que maintenant ils ont déboisé. Mais ce commerce, c’était déjà pendant la guerre de 14. La plaine, c’était des marais en ce temps alors ils avaient besoin de beaucoup de choses. Mais pendant la Deuxième Guerre mondiale, je ne crois pas qu’il y a eu des échanges. »

Aviez-vous des moyens de gagner de l’argent ? « Non pas vraiment. Bon, ceux qui avaient plus de terrains, ils avaient plus de bétail et alors là, ils pouvaient vendre ce bétail dans les foires à Sion. Je me rappelle que Maman gardait toujours une truie pour l’élevage et la vente des porcelets. Celui qui pouvait vendre une ou deux vaches en automne, alors il avait assez d’argent pour l’hiver. Avant l’hiver, tout le monde faisait la boucherie et on encavait une quantité de légumes. »

Je crois qu’il y avait des aides pour aider les femmes à s’en sortir, non ? « Ah je crois que c’est venu plus tard. Mais je sais que Maman racontait qu’elles descendaient depuis Veysonnaz à l’école normale où elles avaient des cours pour enseigner aux autres. De mon temps, c’était les travaux manuels qui étaient importants. On n’avait pas la géo comme les garçons. »

 

Date de naissance : 1925. Vivait avec ses parents pendant la guerre et était l’aînée de trois enfants.

Genevieve sitePendant la guerre vous aidiez aux champs ? « Oh oui, c’est sûr. Je travaillais à la campagne et ça donnait beaucoup de travail. On allait travailler à la campagne, travailler les vignes en bas à Vétroz. On n’avait pas beaucoup de loisirs. On s’occupait du bétail, de la campagne, tout, il fallait encore aller chercher le bois dans la forêt. On n’avait pas de cuisinière. »

Le travail était-il dur ? « Oh oui c’est sûr, on devait travailler beaucoup parce que les hommes étaient aux militaires. Il fallait avoir la nourriture pour l’hiver, faire des réserves pour tout l’hiver et puis manger tous les jours. On n’avait pas les légumes qui venaient depuis dehors. Il fallait avoir son nécessaire même. On avait beaucoup de champs. »

Votre papa a-t-il été mobilisé ? « Non, papa, non, il a pas été mobilisé. On a laissé partir le mulet. Il est resté plus que quatre ans loin le mulet alors il fallait tout porter le foin sur le dos. Des fois, quand c’était plus loin, on demandait le mulet des autres. En compensation, on aidait ces mêmes gens dans leur travail. Il fallait encore aider aux autres pour avoir le mulet. »

Toute la famille devait aider ? « Je devais m’occuper des vaches, remonter la marchandise avec le mulet, faire les foins, tout. »

Comment est-ce que vous vous nourrissiez pendant la guerre ? « On se nourrissait de produits à nous. On avait beaucoup de champs tu vois, on plantait toutes sortes de légumes. On plantait des haricots, des carottes, des choux. Pour l’hiver, on mangeait des choux, des choux-raves. On tuait un taureau. On faisait la boucherie. Ceux qui avaient moins de campagne, ils pouvaient acheter un peu, mais ceux qui avaient plus, ils ne pouvaient pas. »

Ça c’était avec les coupons de rationnement ? Ce que vous aviez, ils ne donnaient pas sur les coupons ? « Ah rien, ils donnaient rien. »

Donc vous receviez quoi ? Du sucre ? « Le sucre, et puis un peu de polenta, du pain, ils donnaient un peu, pas beaucoup, parce qu’on avait des champs, on pouvait faire le blé mêmes pour faire le pain. On allait en bas à Beuson. Là-bas, il y avait le moulin, le four pour faire le pain. »

Vous aviez des difficultés pour vous nourrir ? « Ah non, on avait assez à manger. Tu vois quand on avait les cochons, les moutons, tout. »

Avez-vous ressenti une différence avec l’avant-guerre ? « On a ressenti une différence, car on pouvait moins acheter. Tu vois, avant la guerre on achetait plus. Il fallait un peu se tenir. »

C’était difficile pour les femmes au foyer ? « Mon papa s’occupait des champs. Il était un peu âgé, alors il a pas été pris pour la mobilisation. Tu vois, 39-45, le père à nous, il est mort en 56. Alors il travaillait encore beaucoup, à la campagne, les vignes. »

Vous aviez des vignes ? « On avait les vignes à Vétroz, mais c’était tout à pied. On menait en haut le vin et les bosses avec le mulet. Tu vois, ça c’est une jolie antiquité, quand tu trouves les bosses, les machins en cuir que tu mettais sur le mulet. »

Tous les enfants descendaient ? « Oui, moi je me souviens la première fois que je suis descendue, j’avais 7ans. Moi j’allais que pour les vendanges. Et puis on avait le mulet, mais pour descendre, on pouvait pas tant monter sur le mulet alors depuis Aproz en là à Vétroz, on pouvait monter. Mais pour monter après quand on avait la charge des vendanges, on pouvait pas tant monter sur le mulet alors tu vois depuis Vétroz en là à Clèbes à pied et à sept ans en plus. Oui, je dis aux jeunes maintenant : « Si vous aviez fait comme ça… Il faudrait apprendre à travailler la campagne. » Ah bon dieu c’est ça que j ai peur. »

Vous aviez des bêtes ?« Oui, tu vois, on avait assez de fromage, on faisait des tommes. On avait tous des vaches ici en haut à Clèbes et à Veysonnaz. Ils ne laissaient pas pousser les arbres dans les prés. Il ne fallait pas laisser pousser le bois pour avoir du foin pour les vaches. C’était tout « poutzé ». »

Vous aviez aussi des chèvres, des cochons ?« Oh oui des chèvres, on en avait. Les vaches l’été, on les mettait à la montagne et les chèvres, on les gardait dans les « communaux ». Les gamins allaient garder les chèvres matin et soir. »

A quoi les chèvres  vous servaient ? « Pour le lait, durant l’été, lorsque que les vaches étaient en haut. On n’achetait pas de lait. Ce n’était pas rien durant la guerre, avant aussi. Pendant la guerre on était un peu plus serrés. »

Mais vous avez quand même senti une différence ? « Oui, c’est sûr, on a senti une différence. »

 Pour se nourrir ?« Pour se nourrir, tu vois, ceux qui n’avaient pas. »

Il y avait des familles qui avaient plus de peine ?« Oui, il y avait ceux qui avaient plus de peine. Mais certains avaient quand même en plus. Il ne fallait pas jeter la marchandise, il fallait faire des réserves et il fallait donner à ceux qui en manquait. Il fallait savoir se partager. Le monde était plus généreux, on s’arrangeait. »

Les gens au village étaient tous paysans ?« Oui, ils étaient tous paysans. Il n’y avait pas de travail, rien à gagner, un peu avec les vignes. C’est ça, les sous étaient rares et si on avait du travail, ils ne payaient pas beaucoup, 7 francs pour la journée. On partait en bas à Vétroz et on restait là-bas, on avait le « mazot ». On restait en bas toute la semaine, on remontait le samedi soir. On repartait en bas le lundi matin. On prenait en bas un bout de tomme et puis on dormait tous ensemble dans le « mazot ».

C’était vos vignes ? « Des fois c’était les nôtres mais s’il y avait quelqu’un qui demandait, alors on allait travailler pour ces grands propriétaires de Vétroz. Ils ne nous payaient pas beaucoup, la vie était moins chère aussi. C’est sûr que ce n’était pas comme maintenant, où il faut payer les impôts. Mais on arrivait quand même à tourner.

On n’avait pas envie de courir encore le dimanche, quand on avait travaillé toute la semaine, on était contents de se reposer le dimanche. Non mais c’était dur, mais on n’a quand même pas eu la guerre tu vois. Oh bonté ! Quand il fallait tout cacher les fenêtres, pas laisser voir depuis dehors. Et puis quand on a entendu arriver ces gros bombardiers. »

Ils passaient ici ? « Oh ben c’était les Allemands, pour aller bombarder en Italie. Nous ici, on n’entendait pas éclater les bombes, mais ceux qui étaient près de la frontière, il entendaient éclater les bombes en Italie. C’était ennuyeux quand on entendait arriver ces avions. »

Ça faisait peur ?« Oh bonté, tu ne sais pas le bruit qu’ils faisaient ces avions. On était quand même contents de ne pas avoir la guerre.  C’est sûr qu’on a passé rude. Un est tombé à Thyon, il était déjà en flammes quand il est arrivé, il a laissé tomber une bombe en bas sur Vevey. Il pouvait plus aller et l’autre bombe ils ont lâchée sur Hérémence. Arrivé à Thyon, il a touché les fils électriques. »

Sinon comment ça se passait pour le rationnement ? Qui distribuait les tickets ?« C’était les employés de la commune, ils distribuaient dans tous les villages. Ils venaient à la maison d’école et puis on allait chercher les cartes là. Là c’était tout écrit ce qu’on avait besoin. C’était tout préparé avant. »

Etait-ce équitable ?« Oh oui, c’était déjà prêt là. Ils y en avaient qui vendaient les tickets mais si on était choppé, alors tu payais cher. Tu ne pouvais pas livrer les tickets à d’autres. Il y avait quand même ceux qui faisaient de la contrebande. »

Il y avait de la contrebande à Veysonnaz ? « Oui, quand il y avait sur les tickets des bons auxquels on n’avait pas droit : les légumineuses, la viande. Mais si tu te faisais choper à vendre une tomme, tu payais cher la tomme. Ils surveillaient ça. »

Mais les gens surveillaient réellement ? « Oh oui, une fois, il y avait une de Clèbes qui est descendue pour vendre une tomme. Celle du magasin elle a dit, tu laisses la tomme là, tu la caches mais s’il faut payer je téléphone aux flics maintenant. La tomme est restée là. Ma foi, on avait quand même envie d’aller vendre. »

Ceux qui n’avaient pas assez en plaine faisaient-ils des échanges avec ceux de la montagne ? « Oui, il y a bien eu de ça, ceux qui faisaient des échanges. Mais il fallait pas se faire choper. »

Les coupons vous permettaient-ils toujours de vous nourrir suffisamment ? « Oui, oui, on avait assez. »

Vous avez senti des différences avec le plan Wahlen au village ?« Non, non, je te dis, on avait tout planté ici ce qu’on avait besoin. On avait tout ce qu’il fallait. »

Mais vous y avez participé quand-même ? « Ah oui, pendant la guerre, ils donnaient des subsides. T’avais le droit d’aller chercher du blé à la commune. Ils faisaient venir du blé. On payait moins cher à la commune pour planter. Je me souviens qu’on allait chercher. Mais ils donnaient pas plus que tant. Comme ça, on pouvait garder le nôtre pour utiliser ce qu’on avait besoin. On avait toutes sortes de blé. On plantait du seigle pour faire le pain, de l’orge pour nourrir les cochons, du froment pour la farine à nous et puis de l’avoine pour donner à manger aux vaches. On faisait fouler au moulin l’orge, ils enlevaient donc la croûte et on utilisait pour faire la soupe. On se nourrissait beaucoup avec la soupe d’orge en été, c’était bon. On mettait des fèves, des pois, tous les légumes qu’on avait et puis on mettait de l’orge. On se nourrissait de spécialités paysannes. »

Pendant la guerre vous mangiez toujours assez ? « Oui, oui. On n’avait pas d’argent, même avant la guerre. Il n’y avait rien à gagner, l’argent était rare. Si on pouvait vendre une vache en automne, on passait bien l’hiver, rien qu’avec une vache. Il fallait vendre une vache pour passer l’hiver. »

Vous arriviez facilement à vendre cette vache ? « Oui, oui, c’est sûr. »

Vous faisiez tous la boucherie aussi ? « Oui, on gardait toujours un taureau pour tuer en hiver et puis encore les cochons. On avait tous un ou deux cochons. Ça ne coûtait pas cher. On le nourrissait de feuilles, de légumes, de feuilles de chou, de son, de farine d’orge, de betteraves et là le cochon, il devenait beau. En été, on mettait aussi les cochons en haut à la montagne pour les laisser courir, manger l’herbe. Mais c’est sûr qu’il fallait travailler. »

C’est ça qui changeait en fait, vous aviez une grande quantité de travail. « Oui, c’est sûr. Il fallait entretenir la campagne, il fallait arroser sans arrêt. C’était tout limité les heures pour le bisse. On avait tant d’heures chacun. »

Et puis vous deviez aller aux champs ? « Au printemps, direct quand était partie la neige. Même les enfants, quand ils sortaient de l’école, vite prendre un bout de pain et puis aller outre sortir les moutons. »

Etait-ce dur pour les familles dont les maris étaient mobilisés ? « Ces familles s’arrangeaient avec la parenté, la famille. Ils ne laissaient pas planter une femme seule avec ses enfants. On travaillait ensemble, on s’entraidait.»

Pendant l’hiver, la vie était-elle plus dure ? « Il fallait aller chercher du bois dans la forêt, il fallait couper le bois et puis après mener en bas jusqu’à Trois-Torrents et puis avec le mulet, il fallait traîner le billons. Après ça il fallait scier, couper et puis laisser sécher deux trois jours. Et le soir, il fallait gouverner les vaches. On avait les vaches partout. Tout le monde possédait une grange. »

Pour vous chauffer l’hiver, vous aviez assez de bois ? « Il fallait aller chercher. Il fallait aller couper à mesure. »

 Vous étiez des travailleurs. « C’est sûr. Ça a toujours été comme ça, mais pendant la guerre, avec la mobilisation, c’était plus pénible. C’était tout sur le dos de ceux qui devaient rester là. »

C’est à cette période que la culture des fraises a débuté ? « Oui, c’était juste après la guerre. Ça a beaucoup aidé les fraises, car les fraises de montagne, elles étaient bien appréciées. Mais c’était pénible la cueillette. Tu vois, tu ne pouvais pas mettre sur le mulet ça, parce que ça secouait trop. Mais c’est sûr que ça a beaucoup aidé. Et après sont arrivées les framboises. Mais dès qu’ils ont commencé à faire venir depuis les pays extérieurs, les gens achetaient moins. Les fraises, on a beaucoup cultivées. Tous les champs que tu vois là en bas, c’était tout des fraises. Trois camions qui venaient en haut pour chercher les fraises. Mais bon, ça s’est vite arrêté. Mais quand une chose marche bien, c’est toujours comme ça, encore maintenant.

Ils sont venus les réfugiés qui ont pu s’échapper sur la Suisse. Les Polonais sont venus. Ici, à Nendaz et à Aproz, ils ont fait des baraquements et ils logeaient là. A Veysonnaz et à Clèbes, il y avait pas. Mais tu vois, ils faisaient pas comme maintenant, ces gens, ils travaillaient. Ils les plaçaient dans des endroits où ils défrichaient et ils donnaient tant par jour. Je me souviens bien de ces réfugiés. Quand on allait aux vignes à Vétroz, il y avait un baraquement juste à côté de la route. Ils ont fait à deux endroits en bas à Aproz. Ces pauvres gens, ils nous voyaient passer avec la charge de vendange, le raisin et ils venaient en ça. Ils voulaient manger. »

Vous arriviez à vous fournir des habits ? « On n’avait pas plein le buffet comme maintenant. On ne pouvait pas suivre la mode. Il n’y avait sûrement pas de mode en ce temps là. On n’avait pas tant de catalogues. On devait filer la laine, tricoter tout l’hiver. Il fallait tondre les moutons en automne et au printemps, deux fois par année, faire des maillots pour tous et puis les bas. En hiver, pour aller gouverner les vaches, on mettait des gros bas de laine. On n’avait pas de pantalon, les filles. Tout le monde avait les moutons pour la laine et puis on en tuait en automne pour la viande. »

Pendant la guerre, vous deviez tuer des bêtes ? « Oh oui, on tuait plus.

Avec la faucille, par exemple on devait faire les champs. On coupait tout et puis on laissait sécher dans les granges. C’était le foin pour les moutons.

Les souliers, on faisait faire au cordonnier. Pour le cuir, on faisait tanner la peau du taureau. Ah là, on laissait rien perdre, on trouvait une utilité pour tout. »

Vous n’aviez pas beaucoup de loisirs ? « Si, si, on allait jouer aux cartes, on faisait des longues veillées, on tapait aux cartes. »

Mais il y a des jours où c’était plus dur ? « Ah ben c’était comme ça. Mais on n’a pas eu de massacre. On vivait toujours dans la peur. On avait toujours peur qu’ils envahissent, car tous les pays autour étaient en guerre. »

Vous entendiez Hitler à la radio ? « Ah oui, on entendait partout, on voyait partout la croix gammée. Cette croix, elle était mauvaise, contre la religion. »

 

Date de naissance : 1920. Vivait chez ses parents pendant la guerre et avait trois sœurs.

 

IMG 1916« Moi je me rappelle pendant la guerre, ils allaient tous là écouter les nouvelles. C’était le président de commune, le seul qui avait la radio au village. Et puis alors on allait souvent tu vois, à neuf heures du matin, c’était bondé dans la maison, dehors devant. On voulait tous savoir ce qu’ils donnaient comme nouvelles, si on avait en Suisse aussi la guerre, parce qu’un moment ils disaient, ils ont été mobilisés quand même, tous les hommes qui étaient militaires et certains sont restés jusqu’à la fin et encore après, ils restaient travailler dans les compléments comme ils disaient. Mais autrement, c’est sûr que c’était dur. Moi je me rappelle, j’allais aux mayens donner aux vaches quand le « totzeu » a sonné, pour annoncer qu’il y avait la guerre. Non, c’était assez sérieux à ce moment-là. On s’attendait à ce qu’il y ait la guerre. »

Vous viviez chez vos parents pendant la guerre ?

« Oui, j’ai toujours vécu ici, mais c’était pas comme ça. A ce moment-là, enfin c’était un peu partout la même chose, il y avait une grande chambre et puis l’hiver, on faisait là-dedans tout. Alors on avait comme un genre de cuisine, une grande cheminée, comme il y avait, qui marchait avec le bois. On n’avait pas ni radiateur, ni rien, on chauffait avec les fourneaux qu’on avait. On n’avait pas isolé, rien. »

Vous alliez chercher le bois ?

« Chercher le bois, oui, ça aussi. L’automne, avec les hottes on partait pour faire les réserves pour l’hiver. On était rien que des filles. »

Combien étiez-vous en famille ?

« On était quatre filles. Et puis on devait gouverner le bétail. »

Quelle était votre activité principale pendant la guerre ?

« Oh ben quand on avait fini l’école, on savait qu’on était obligés de faire les foins, et tout et sortir les pommes de terre. »

Vous deviez aider aux champs ?

« Oui, oui, bien sûr. A ce moment-là, il n’y avait pas de travail. L’été, on pouvait aller à la vigne. Mais l’hiver, on avait des grandes soirées. »

Pouviez-vous gagner un peu d’argent ?

« Oui, gagner, la vie n’était pas chère non plus. Moi je suis restée chez Angeline, elle avait le bistrot et le magasin en 39. C’était le premier magasin. C’est pas comme à présent. »

Avez-vous senti des différences dans l’agriculture ?

« On cause de ça avec les jeunes des fois, mais ils ne comprennent pas. Avant, c’était tout à coups de pioches, tu vois. Et puis on avait des tas de champs jusqu’à quand les fraises sont venues, là ça a changé, mais c’était seulement après. »

Vous cultiviez un peu de tout ?

« Les légumes, avant, on connaissait pas tout, c’était rien que les choux, les patates, oui, après c’est venu les haricots, les poireaux, mais ça c’est venu beaucoup plus tard. »

Avez-vous participé au plan Wahlen pendant la guerre ? Un plan qui visait à étendre les cultures.

« Ah, ça aura bien été ça quand ils ont planté les fraises. »

Mais pas pendant la guerre ?

« Non. On plantait du blé pour faire le pain et puis pour les vaches. »

Vous aviez du bétail ?

« Oui, c’est sûr qu’on avait, aussi pour faire les boucheries. C’était en automne. On avait ça et puis, on avait les tickets qu’ils donnaient. C’était une fois par mois qu’on pouvait aller chercher chez un particulier. »

Pouviez-vous vous nourrir en suffisance avec les tickets de rationnement ?

« Oh et ben il y a des fois où c’était assez serré. Ceux qui avaient deux ou trois gamins, ça allait bien. Je crois qu’ils donnaient moins quand la famille avait des gamins pas trop petits. »

Avez-vous ressenti des difficultés dans votre famille ?

« Tu sais, on avait presque assez avec les boucheries, un porc et puis un veau d’une année. C’est sûr qu’on n’avait pas de tout. C’est encore après quand on a eu les gamins que c’était encore plus dur. Pendant la guerre, j’étais pas mariée, je me suis mariée en 45. »

Votre papa a-t-il été mobilisé ?

« Non, non, il avait déjà fini. »

C’était toute la famille qui s’occupait des travaux des champs ?

« Ah oui, c’était toute la famille. Oui, c’était pas tout rose. Les unes étaient mariées déjà. Je suis restée à la maison ici depuis que je suis née. »

Est-ce que vous aidiez beaucoup à la maison ?

« Oh bien sûr qu’il fallait aider. Il fallait aider les parents, mais c’était pas comme à présent où les gens deviennent plus âgés, moi j’ai 85 ans, je peux dire. Mais ils étaient encore assez ménagés, papa avait 81, maman 82. Mais ils pouvaient pas travailler grand-chose, alors on restait plus longtemps à la maison. T’as pas connu mes sœurs, une, c’était la femme à Henri Délèze, pas les mêmes que toi, des autres. Hélène qu’elle s’appelait. On allait aider les parents pour tout. Avant, le chemin qui conduit jusqu’au bisse, c’était rempli de bois, alors ils allaient chercher avec la hotte. Mais c’était pas comme à présent. Mais à présent, le bois, il retourne pas mal employé. »

Mais c’était pas très facile pour les femmes au foyer dont les maris étaient mobilisés ?

« Ah ben ma sœur Angèle, elle avait quand même déjà quatre enfants. Elle a eu neuf elle, mais quatre qui sont nés pendant la guerre. »

Avait-elle des difficultés ?

« Bon tu vois, ils étaient payés ceux qui allaient à la mobil’. Ils avaient un peu d’argent. »

Vous aviez des moyens pour gagner de l’argent ?

« Moi quand je suis sortie de l’école, je suis allée travailler chez Angeline quatre ans. C’était elle qui s’occupait du magasin, moi je faisais le ménage en haut. Mais là, c’était encore pas la guerre, c’était quand j’ai fini l’école. Là, j’avais un peu de sous. Mais tu vois, 90 francs qu’on avait par mois à cette époque. C’était comme ça. On allait travailler à la vigne, on avait quatre francs par jour et puis en bas à pied depuis ici à Sion. Ouai, ça a changé ça à présent. C’est combien par heure maintenant ? Ça a bien augmenté. »

Aviez-vous senti une différence dans votre vie avant la guerre et pendant la guerre ?

« Ben tu vois, on sentait quand même, avec les hommes qui partaient. Pas chez moi, mais les beaux-frères, ils sont tous partis faire la mobil’ et tout. Et puis c’est sûr qu’on n’avait pas grand-chose à gagner. On faisait plus s’amuser qu’autre chose, contrairement à vous, vous êtes toujours à l’école encore. »

Vous aviez du temps pour vous amuser ?

« Oh oui, à ce moment-là, on prenait du temps pour s’amuser. On passait de belles soirées. On faisait ces longues veillées, c’était intéressant. Mais ça c’était pas seulement pendant la guerre, c’était aussi avant. Mais il y avait quand même ceux qui étaient mobilisés. Alors ça, ça faisait peur. »

Vous n’avez donc pas vraiment eu faim pendant la guerre ?

« Faim, disons pas, parce que tu vois, on avait beaucoup de blé, alors notre papa allait faire le pain au four à la Golette. Mais on se prêtait, tu vois, il paraît que certains allaient demander. Peut être que ça manque beaucoup, à présent on n’a plus tant de relations comme avant. Si on sait pas aller vers les autres, on reste… »

Vous faisiez des échanges avec ceux qui avaient moins par exemple ?

« Oh oui, souvent ça. On allait comme ça se prêter, le sel, le sucre, ça se faisait ça. »

Mais il n’y avait pas de contrôles ?

« Non, non, il n’y avait pas de contrôles pour ça. Ça, c’était des services. »

Votre souvenir de la guerre n’est donc pas trop dur ?

« Tu vois, ceux qui étaient au service, ils avaient des bonnes paies. En tout cas, ma sœur disait toujours qu’elle avait assez de sous, mais elle avait beaucoup à faire avec ses quatre gamins, il fallait donner aux vaches, il fallait travailler, il fallait faire tout. »

Vous aviez pu faire des réserves ?

« Oh ben avec les tickets, on pouvait acheter pas mal. »

Date de naissance : 9 juillet 1919

Il vivait chez ses parents pendant la guerre. Il a été mobilisé en 1939 et en 1942, il a été embauché dans une entreprise fédérale et est parti travailler à Saint-Maurice dans les forts.

* Déroulement de l’interview

 

Quand tu vivais chez tes parents, quelle était ton activité principale ?

« On travaillait avec le père à la campagne, et puis quand on trouvait un chantier où on pouvait aller pour se faire 2 ou 3 sous et bien on allait. La campagne, c’était la vie des gens par là. Il fallait faire le lait, le fromage, on faisait la boucherie en automne, on séchait la viande, on mettait au galetas, tout ça. Autrement moi j’ai travaillé à Chippis, à l’usine, quelques temps là-haut. Mais alors là, c’était pas intéressant. Pour faire huit heures de boulot, il fallait être douze heures loin de la maison. Il fallait aller prendre le car à 4 heures et demie à Beuson pour commencer à 6 heures là-haut et pour être en bas à 4 heures et demie à Beuson, il fallait partir à 4 heures depuis Clèbes. Et puis pour revenir, c’était de nouveau la même chose. On calculait qu’il fallait douze heures entre les transports et les huit heures de boulot. »

C’était quoi comme usine à Chippis ?

« C’était une usine d’aluminium, ils fabriquaient l’aluminium. Entre parenthèses, ils fabriquaient beaucoup pour les Allemands aussi, pour avoir un peu de boulot, ils… Mais enfin. Nous, on n’avait rien le droit de dire. Mais c’était quand même douze heures loin de la maison, et puis arrivé le soir, tu pouvais encore pas faire ce que tu voulais. Et puis quand on était dans l’équipe de nuit. Mais là, la journée, on était libres, on commençait à dix heures le soir. Mais moi j’ai peiné la nuit là-haut, c’était pénible. Le sommeil, c’est quelque chose d’affreux. Ça allait bien jusqu’à 3 heures et demie, 4 heures le matin, mais là, il fallait savoir se cramponner. T’avais beau aller aux toilettes, mais le contremaître, il voyait bien que t’étais loin, il contrôlait. »

En quelle année as-tu commencé à travailler là ?

« En 41. »

Est-ce que vous gagniez bien ?

« Je peux pas te dire. Non, non, c’était minime. Les chantiers, c’était 60 centimes de l’heure, mais comme on faisait huit heures, alors on touchait un peu plus. Mais le problème, c’est que c’était loin pour nous. Il fallait descendre à pied et aussi remonter tard le soir. Mais on n’avait pas tant de choix et on était déjà contents de trouver quelque chose. Autrement, moi j’allais beaucoup travailler aux vignes. »

C’était les vôtres ?

« En même temps, on piochait les nôtres, mais notre but, c’était d’aller piocher celles des « môchieurs », de celui qui travaillait pas. Alors on passait toute la semaine à Vétroz, on remontait seulement le samedi et on redescendait le dimanche soir avec un peu de ravitaillement. Bon là-bas, on avait tous une baraque. Mais on était une dizaine ensemble et puis on faisait la soupe et tout ça. Et l’été, on allait attacher les vignes de ceux qui avaient beaucoup de vignes et qui ne travaillaient pas. 10 ans j’avais la première fois que j’ai été en bas, 100 sous par jour (= 5 francs). Un moment donné, on allait jusqu’à Chamoson pour piocher les vignes, 4 francs par jour. Mais là, on était nourris et logés. »

Sinon pendant la guerre, tu travaillais à la campagne ?

« Oui, la vigne. Et l’hiver, on coupait beaucoup de bois. Il y avait de ceux qui engageaient des gens pour couper le bois. On allait jusqu’aux Mayens-de-Sion et on faisait des flottes de bois. »

C’était facile à cette époque de gagner de l’argent ?

« Oh facile, il fallait travailler. Quand il faisait très froid, il fallait quand même aller, on mettait les passe-montagnes. Il fallait bien s’habiller. Une année, on a travaillé entre Siviez, Novelli, Tortins, on a commencé à la fin octobre et on a fini le jour de la Sainte-Agathe, c’est le 5 février. Mais on a tiré en bas le bois depuis tout en haut le sommet de la montagne et on a chargé sur les mulets jusqu’en bas à Beuson, 400 mètres cubes de bois, t’imagines le tas que ça fait. Mais je me souviens qu’on était au fond de Combatseline et il faisait moins 21. Mais tu sais quand tu travailles le bois, tu sens plus le froid. Mais là je sais plus combien on était payés. En principe ils payaient tout à la fois. »

Etait-ce pendant la guerre ?

« Oui, juste avant que je travaille aux fortifications. »

Y avait-il du travail au village ?

« Non, il n’y avait pas de travail au village. »

Combien avais-tu de frères et sœurs ?

« On était quatre frangins et quatre frangines, on était huit. »

Tout le monde aidait les parents ?

« Oui, mais moi j’étais quand même le deuxième. Alors moi j’ai peut-être un peu loupé mon adolescence, car j’ai dû aider les parents, j’ai dû aider le père, car ma mère est décédée, j’avais quatorze ans. Le dernier des frangins avait neuf mois, alors moi j’ai dû me sacrifier pour aider le père avec la frangine. Elle, elle remplaçait un peu la mère. C’est pour ça que j’aurais peut-être fait des études, car j’étais pas mal à l’école, je suis longtemps resté le premier de classe. Mais le père il avait déjà prévu, il voulait m’envoyer pour faire le collège. Lui il avait idée de capucin. Mais bon, c’est pas plus mal, comme quoi il y a quand même une petite destinée. »

Mais ton papa était un paysan ?

« Oui, un paysan, il allait en bas aux vignes. Pour ce que je connais ici, tous les hommes étaient paysans, ils allaient travailler en bas aux vignes. C’étaient les femmes qui gouvernaient le bétail. »

Donc tes sœurs faisaient ce travail ?

« Oui, ma sœur aînée. »

Etait-ce dur ?

« Oh oui, là, ça a été les années les plus dures. Il n’y avait rien à gagner. Après j’ai voulu faire un apprentissage, mais j’ai pas trouvé dans tout le Valais romand, soit maçon, soit menuisier, soit électricien, j’ai pas trouvé de place. Mais alors après, j’ai encore eu du bol, j’ai été pris dans les fortifications comme téléphoniste, électricien. J’ai tout passé mon examen. Parce qu’il y avait un article qui disait qu’après cinq ans de pratique, tu fais les cours professionnels et ça compte comme un apprentissage. »

Mais pas tout le monde trouvait du travail ?

« Non, pas tout le monde. Mais il n’y avait pas de chômage. (rires) Il n’y avait pas de caisse chômage. On n’avait pas de travail, on avait rien. Et finie la guerre, la vie est repartie en hausse, il fallait tout reconstruire ces pays qui avaient été dévastés, il fallait refouler du matériel, alors après est venue la haute conjoncture. C’est venu d’un coup cher et puis on n’avait rien pu économiser, puisqu’il n’y avait pas moyen d’économiser. Il y avait pas, il y avait pas. »

Oui, car vous ne gagniez pas d’argent, donc c’était impossible d’économiser.

« Mais bien sûr. Après, on a commencé à gagner un peu dans les forts mais ma foi, il fallait tout donner à la famille. La mère était décédée, et puis j’étais le premier quoi, la frangine elle faisait le ménage. Il fallait donner pour pouvoir se nourrir. »

Avez-vous ressenti des différences dans votre agriculture ?

« Ici c’est venu les fraises, alors ils se faisaient des ronds avec les fraises. »

Avez-vous participé au plan Wahlen ?

« Le plan Wahlen, on a tous dû participer, on devait avoir tant de mètres carrés de patates, tant de terres et tout ça. En bas par la plaine, il y a les Polonais qui sont venus défricher, planter les pommes de terre, au moins avoir assez de pommes de terre. Qu’est ce que tu veux, il n’y avait pas de marchandises, tout était rationné. La polente, il n’y avait plus de vraie polente, il y avait un espèce de mélange de patates et de polente. Et puis avec le rationnement, on n’avait pas le droit à plus que tant. »

 

Vous n’aviez pas grand-chose avec le rationnement.

« Je me souviens pas, je peux pas dire un chiffre. Je sais que c’était très peu. Suivant quoi ça allait, mais comme le sucre, c’était très peu le sucre. Le sucre, la farine. »

Qu’est-ce qui était rationné ?

« Tout était rationné. Il fallait tout avoir avec la carte. Et puis le pain, on n’avait pas droit pendant 48 heures parce que des gens mangeaient moins. Alors il y avait le slogan écrit sur les boulangeries : « Du pain dur, c’est dur, mais point de pain, c’est encore plus dur. » Mais bon là, le pain blanc, ça existait pas. C’était tout du pain bis. Mais il était moins bon que celui qu’ils font maintenant. Alors nous dans les forts, on avait deux boulangeries et moi j’étais copain avec le boulanger d’une. Alors quand je rentrais le samedi, il me refilait une miche de pain blanc, parce qu’il faisait le pain pour l’armée, pour les soldats qui étaient mobilisés. Ils gagnaient 60 centimes par jour, chaque dix jours, 6 francs. »

En quelle année as-tu commencé l’école de recrue ?

« En 39, la mobilisation, mais dans les forts, seulement en 42. Quand j’ai eu fini l’école de recrue, j’ai dû rejoindre mon unité, une à Bussigny, une à Moltigen. On était convoqués partout, il fallait faire au minimum un mois par année. C’est pour ça qu’après un copain nous a embranchés dans les forts, car on avait fait la demande pour entrer dans les forts. Comme ça après, on était tranquilles, on avait réussi. »

Par rapport au plan Wahlen, les cultures ont quand même augmenté ?

« Oh oui. »

Aussi à Clèbes ?

« Non, pas à Clèbes. Chaque ménage avait assez, chaque ménage se débrouillait pour avoir ces mètres carrés de pommes de terre qu’ils réclamaient ou de légumes autrement aussi. Mais ceux qui ont fait le plan Wahlen, c’était pour l’ensemble de la Suisse, pour alimenter la confédération en pommes de terre. »

Donc il n’y avait pas vraiment de différence dans le village ?

« Oh non, je crois pas. Et puis où on pouvait gouverner encore un peu, c’était les produits laitiers, on faisait pas tout contrôler, parce que si on avait tant de lait, ils enlevaient sur les cartes. Mais ils pouvaient pas tout le temps contrôler de A à Z le fromage, tout ça. Alors on déclarait les vaches, mais on n’était pas obligés de déclarer au litre près le lait qu’elles avaient. On réussissait à faire une tomme ou deux de plus, ça aidait toujours. On pouvait faire beaucoup moins de fromage et puis alors on faisait plus de beurre. On avait le beurre pour  les besoins de la maison. Et puis alors à la boucherie, on tuait un « mozon », un cochon, un mouton, je crois que tout le monde avait des moutons. »

Tout le monde avait du bétail ?

« Oui, tout le monde, mais ce qui comptait, c’était les vaches. Si t’avais assez de vaches, tu faisais beaucoup plus d’élevages et les élevages étaient pas contrôlés de A à Z. Parfois tu pouvais avoir un « mozon » de plus pour tuer. Mais ma foi, il y avait quand même certaines choses qui manquaient. Et nous on avait encore la chance, car dans les forts, on pouvait acheter des marchandises : le chocolat, le café, je crois pas le sucre. Alors ils nous donnaient la moitié plus. On avait le droit à un kilo de café et on pouvait prendre deux kilos, car chaque troupe mobilisée touchait au magasin tant de ceci et tant de cela, comme ça ils renouvelaient les stocks, ce qui était vieux, ils donnaient à la troupe. Ils arrangeaient ça. Ils enlevaient un peu à la troupe et ils donnaient aux employés. Moi je me souviens que si je commandais un kilo de chocolat, j’avais deux kilos. Donc il fallait payer, mais en quantité, on pouvait avoir plus. J’avais même une tante qui me donnait en bas de l’argent, comme ça je prenais pour elle aussi, la mère à Lydia Glassey, ah ben t’es allée aujourd’hui chez elle. Sa mère est une sœur à ma mère. On est premiers cousins avec Lydia. »

Y avait-il des échanges dans le village ?

« Oh ben j’ai pas aperçu, mais je suis sûr que toi si t’avais trop de tickets et puis un qui n’avait pas assez… Ça, ça se sera bien passé, obligatoirement. A la fin du mois, il fallait avoir le compte. « Jean di tickieu », il distribuait les tickets. On était cinq, dix en famille, on avait droit à tant. »

Vous aviez assez à manger avec les denrées prévues sur les tickets ?

« Oh ben c’était quand même plus dur, il fallait savoir être économe. Il ne fallait pas gaspiller. »

Vous deviez faire des réserves ?

« Ça c’était avant, car les magasins donnaient plus sans ticket. »

Avez-vous pu faire des réserves ?

« Il y en a qui ont fait, d’autres ont pas fait. Il fallait quand même suivre les directives des ravitailleurs. Eux ils sentaient qu’avec la guerre, on pourrait pas avoir. Il fallait faire des réserves de sucre par exemple. Mais il fallait pas faire des réserves de n’importe quoi, il fallait faire de choses qui se conservaient. La farine, je pense pas que tu pouvais faire des tas de réserves. Là, ça a sûrement été que ceux qui avaient des sous pouvaient faire plus que d’autres. Je me souviens que la polente, on a acheté 50 kilos d’un coup avant la guerre. Je pense qu’on avait bien 50 kilos avant la guerre. Je me rappelle pas du prix. Je me rappelle qu’on payait la bière 25 centimes. Les croissants étaient 20 centimes. Mais on était mal nourris les mobilisés. On n’avait pas de pain. On touchait 400 grammes de pain par jour. »

Il n’y avait pas assez à manger ?

« Il y avait juste juste et c’était pas bon, c’était maigre. »

C’était pire que quand tu revenais à Clèbes ?

« Oh oui ! Heureusement qu’on pouvait prendre quelque chose à la maison avant de partir, un bout de fromage ou je sais pas quoi. Quand on faisait la boucherie, on prenait un bout de viande séchée. C’était vraiment maigre. Et puis quand t’avais toute la journée l’exercice à fond la caisse. Nous, on était en plein été, au mois de juillet. Et puis c’était la méthode allemande quoi. Alors on avait les tuniques avec le col en haut ici. Ils copiaient les Allemands pour les habits, pour la discipline. » […]

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