Tiré des Racines de l'avenir
En 1964, quelques jeunes gens de Veysonnaz, ne voulant plus passer leurs soirées au bistrot, décident de faire une raclette ou une grillade, de temps en temps, au lieu dit "La Carthéry". A cet endroit, se trouve un gros rocher sous lequel on peut s'abriter ; le site est magnifique avec une vue splendide sur les Alpes bernoises et la vallée du Rhône ; on s'y rend en dix minutes, à pied.
Le groupe est composé de jeunes du village, parmi lesquels plusieurs étudiants, mais aussi des jeunes de l'extérieur qui viennent régulièrement en vacances au village. La motivation principale des fondateurs est de rassembler la jeunesse du village pour une réunion mensuelle afin d'établir des contacts, d'essayer de revivre les veillées d'antan. L'enthousiasme du départ est très grand, les responsables décident de donner plus d'ampleur et de dynamisme au mouvement en créant une gazette locale devant paraître une fois par an. Ce journal est intitulé "le Carnet des Chevaliers". Il veut permettre aux jeunes et à d'autres personnes du village de s'exprimer. En outre, le rédacteur régional du quotidien valaisan "La Feuille d'Avis du Valais" publie un article avec une photo du groupe. Le journal est vendu par les jeunes du mouvement le dimanche, à la sortie de la messe.
En fait, les débuts ne sont pas sans problèmes. Il faut acquérir du matériel de polycopie, organiser la production du journal et assurer sa diffusion ; on le vend à la criée le dimanche à la sortie de la messe. Par ailleurs, une méfiance diffuse se fait sentir, on parle de politisation du groupe. En réalité les fondateurs voulaient lutter contre les tensions engendrées par les partis de famille et tisser des liens d'amitié et de camaraderie entre des jeunes qui ne sont pas originaires du "même bord". A partir de la deuxième année, les jeunes gens du village adhèrent massivement au groupe ; la société devient mixte à partir de la troisième année.
Dans la population locale les avis sont partagés. Certains disent : «Ces jeunes font une bonne affaire, ils veulent avoir une autre distraction que le bistrot, ils s'organisent eux-mêmes». D'autres, au contraire, affirment que tout cela mènera à la perdition. Dans ces conditions, les membres du groupe décident de construire leur propre local. Grâce à la compréhension de l'ancien président Henri Délèze, les Chevaliers aménagent leur lieu de rencontre dans le bâtiment de ce dernier. Ce local prend rapidement l'allure d'un "carnotzet". Mauricette Gollut peint deux fresques qui représentent les armoiries de l'Ordre et le sacre du Chevalier avec son épée, à genoux, devant le Chambellan. La dive bouteille et la bonne chair ont bonne place dans la vie du groupe. Lors des "ripailles" annuelles, on mange et on boit à profusion. Quatre sorties annuelles viennent réjouir les Chevaliers, à savoir deux sorties nocturnes sous le rocher de Carthéry et deux sorties à l'alpage, durant l'été.
Dans les réunions régulières, on discute des problèmes du journal, des problèmes de la vie au village. On esquisse également des activités à caractère social : visites et cadeaux aux handicapés, aides diverses à des familles nécessiteuses.
Lors de la réunion de constitution de l'Ordre avait eu lieu le sacre du Chevalier. Le premier carnet des Chevaliers l'évoque ainsi : «Puis nous vîmes, en grande première, le sacre du Chevalier, cérémonie présidée par le grand Chambellan entouré de quatre Chevaliers d'honneur. Chaque Chevalier, accompagné de son parrain, s'agenouillait sur un trône de pourpre aux pieds de son Altesse le grand Chambellan. Traçant l'onction, celui-ci prononçait d'une voix émue les paroles rituelles du sacre : Venez, Chevalier, nous t'invitons à prendre place dans les rangs de l'Ordre de Carthéry.
Jurez-vous fidélité et loyauté aux commandements de l'Ordre ? Le Chevalier d'une voix tremblante répondait : Je le jure !
Acceptez-vous de prendre pour légitime épouse la dive channe ? Oui, s'écriait le Chevalier !
Lui présentant un gobelet, le grand Chambellan le sacrait Chevalier en ces termes :
En vertu des pouvoirs qui m'ont été conférés, je vous sacre Chevalier de l'Ordre de Carthéry. Les Chevaliers reprenaient alors d'un seul choeur le refrain de l'Ordre :
Chevalier de la Carthéry
Prends ton verre ou le gobelet et déguste à belles lippées l'ambroisie chaude de la treille.