img 19945Le renouveau par le curé Vannay

Vers 1950, encouragée par le curé Meinrad Vannay, la Ste-Cécile rejoignit la toute nouvelle Union Chorale du Centre née en 1953 d’un incident célèbre survenu entre deux fortes personnalités de la musique valaisanne, M. Georges Haenni et l’abbé Crettol.

Comme le curé faisait répéter et dirigeait souvent tous ces nouveaux chanteurs, il lui arrivait  d’être au four et au moulin ou pour mieux dire, à l’autel et la tribune au cours de la même célébration. L’homme d’église ressemblait alors à un homme-orchestre : chanteur (toutes les voix : du soprano à la basse !), directeur, organiste et, par-dessus le marché, ministre de l’autel ! De son pas dynamique, il traversait à grandes enjambées la nef dans de nombreux allers-retours. Qu’importait puisque l’enthousiasme et la passion du chant gagnait ainsi toutes les couches de la population et que l’assistance devenait participante !

Avec l’arrivée du nouveau prêtre à Veysonnaz, la pratique chorale allait subir de nombreux bouleversements. Le jeune curé possédait une solide formation musicale et le désir de permettre à tous de chanter. Sans porter trop atteinte à l’intégrité du chœur d’hommes, l’abbé  Vannay imposa sa patte de directeur. Il fit répéter les polyphonies aux hommes, fonda immédiatement un chœur de dames et se mit à faire chanter plus souvent les enfants – bien entraînés par les instituteurs. Quelques mois plus tard, pour Pâques 1951, on put déjà entendre le tout nouveau Chœur-Mixte préparé par le curé chanter en polyphonie. Ce chœur prit dès lors en charge l’animation liturgique des grandes fêtes et des fêtes champêtres. Les hommes de leur côté, sous la houlette de Julien Bonvin puis d’Aloys Praz, assuraient la majorité des dimanches et des solennités, travaillant toujours le répertoire grégorien et les polyphonies.img 21681

L’entrée dans l’union chorale du Centre

Un chœur d’hommes commença à prendre part aux festivals de l’UCC dès l’année 1956 au festival de St-Séverin. Il n’y réussit pas trop mal puisque selon le jury « l’impression générale était excellente » … même si, dans le chant grégorien, « on entendait le meneur qui se détachait du groupe vocal pas assez souple pour le suivre… ». Dans la seconde pièce du concert religieux, le « O sacrum convivium » de Viadana, le jury releva d’emblée la très belle sonorité des voix, en général, la belle fusion dans les demi-teintes et l’aisance que donnent les chanteurs qui phrasent très bien dans un bon style ». Les débuts étaient prometteurs et c’est avec entrain qu’on se rendit chez les amis de Fey l’année suivante où l’on chanta le « Tenebrae factae sunt » de Klein. Lors de ces deux premiers festivals, Julien Bonvin assurait la direction.

A cette époque, le jour du festival, les chorales devaient se produire devant le jury en tirant au sort une pièce grégorienne dans une liste connue d’avance. Le deuxième morceau était une polyphonie religieuse librement choisie, généralement en latin. Le jury, longtemps présidé par l’abbé Crettol, comptait parfois de grands noms de la musique comme Pierre Chatton, Jean Quinodoz ou Jean Daetwyler… On se doute que chanter devant de telles personnalités était impressionnant. D’autant que la critique n’était pas toujours tendre, comme dans ces remarques d’ordre général faites aux chorales : « La justesse laisse encore parfois à désirer – jusque dans le grégorien ! L’émission reste souvent dure. On chante trop de la gorge. Les sons sont écrasés, sourds, pâteux. Les forte des coups de glottes.
La prononciation  défectueuse se ressent encore trop de l’accent du terroir. Le é latins sont facilement è presque ê ! au lieu de Kyrié, Christé, Dominé, on chante Kyriê, Christê, Dominê ! La a sont facilement ô : ôllêlôiô pour alléluia !
On ne se soucie pas assez de bien prendre le ton ! N’oubliez pas ce qu’on vous disait déjà l’an passé à ce sujet : les voix sont comme les moteurs d’auto en hiver, il faut les chauffer un moment avant de leur faire prendre le départ ! » (27 avril 1958 festival de Erde-Conthey)

Les statuts de 1953

Les archives de la société ont conservé très peu de traces des assemblées générales et des décisions passées. En plus d’une belle collection de partitions et de la liste des présidents de la chorale, il ne nous reste des époques passées que des statuts rédigés de la main de l’abbé Vannay. De ce texte, nous relèverons que la devise de la chorale est : « Deo nostro sit jucunda decoraque laudatio », ce qui signifie : « Que notre chant de louange soit agréable à Dieu et digne de Lui. » (Ps 146). Ses buts principaux sont de « cultiver : 1. le chant religieux conformément aux prescriptions du Souverain Pontife. 2. le chant profane » (CF, Statuts de 1953). Suivent toute une série d’articles qui règlent les droits et devoirs des membres actifs et des membres honoraires de la Société, ainsi que les Organes de la Société (Assemblée générale, Comité) et enfin les compétences respectives du Curé de la Paroisse et du Directeur. Ces statuts furent ratifiés par 39 membres présents le 8 mars 1953 et remplacèrent les anciens statuts (disparus des archives). Ils furent revus et soumis à l’approbation des membres par deux fois : le 21.11.1985 et le 2 décembre 2001.

img 21700Les directeurs

Lucien Fragnière, qui avait tenu à bout de bras  la société durant toutes ces années, remit la direction de la chorale en 1951 après trente ans de loyaux services ! Comme nous l’avons vu, le curé Vannay avait pris les choses musicales en main dès son arrivée, bientôt secondé par  un instituteur passionné de musique, Julien Bonvin. Durant cinq ans, ce dernier mit son énergie et ses connaissances au service de nos liturgies en tant que directeur. Puis, déménageant à Sion, il n’eut plus le temps d’assumer cette charge, mais ne délaissa pas la tribune de Veysonnaz pour autant puisqu’il y tint encore l’orgue de nombreuses années.

Aloys Praz reprit donc la direction de la société, faisant répéter les hommes et dirigeant aussi parfois le chœur mixte. Il conduisit la société au festival dès 1958. La formation mixte ne survécut pas longtemps au départ du curé en 1961 même si Aloys Praz et Michel Praz (déjà) dirigèrent encore de temps à autre les dames.  Aloys Praz tint le pupitre de directeur jusqu’au festival de Veysonnaz en 1965 où la société organisatrice ne chanta que la messe. Dès 1963, il fut secondé dans sa tâche par Aloys Fournier qui assurait la direction de la polyphonie et des chants profanes alors qu’Aloys Praz conduisait le chant grégorien. Aloys Fournier assuma encore la co-direction de la société avec Michel Praz jusqu’en 1968.

 

En 1978, Veysonnaz organisa le 5-6-7 mai le 25ème festival de l’UCC. A cette occasion, le comité mit sur pied un programme ambitieux et alléchant. En vedette, l’inoubliable soliste de la fête des vignerons Bernard Romanens et la Chanson du Pays de Gruyère qui animèrent le vendredi soir. Le samedi, la chorale Ste-Cécile et le Chœur des Jeunes se produisaient pour le Kiosque à musique avec notamment la participation de l’Octuor sédunois (actuel Octuor vocal de Sion), des Fifres et Tambours d’Hérémence et de la Fanfarette de Nendaz. Le samedi après-midi était consacré au festival des enfants avec la participation de 10 chœurs et près de 300 enfants. La soirée du samedi fut exceptionnelle avec, pour la première fois réunis, plusieurs ténors de la chanson romande : Bernard Montangéro, Léo Devanthéry, Michel Bühler et Nono Muller ! Les festivités n’étaient pas encore terminées puisque le dimanche était traditionnellement réservé à l’accueil des 15 sociétés amies de l’UCC. La qualité musicale des productions devant le jury fut de très bonne tenue cette année-là ainsi que la messe chantée par le chœur St-Nicolas d’Hérémence. Le comité d’organisation de ce deuxième festival se composait comme suit : Henry Fournier, président ; Norbert Fragnière, vice-président ; Louis Fournier, Jean-Maurice Fournier, Henri-Bernard Fragnière, Michel Fragnière, Bernard Praz, Jean-Michel Praz et René Praz, membres ; Danielle Dussex, secrétaire. Malgré un très grand succès populaire, ce deuxième festival organisé à Veysonnaz n’obtint pas les résultats espérés sur le plan comptable.

L’ensemble de la population se mobilisa pour monter à l’occasion de ce festival le fameux jeu scénique « Au temps des seigles et des moissons » écrit par le curé  Georges Michelet et mis en scène avec l’aide de Jean Quinodoz et qui fut donné le vendredi soir.

img 19950Les festivals à Veysonnaz : 1965 et 1978

Pour la première fois de son histoire, Veysonnaz accueillit un festival de chant le 23 mai 1965 à l’occasion du 12ème festival de l’UCC. La journée débuta par l’office divin célébré en plein air devant notre église fraîchement restaurée mais bien trop petite pour contenir la foule des chanteurs et des curieux. Le « Bon Dieu de Nende » avait sans doute bien fait les choses puisqu’en cette année où « le printemps ne voulait décidément pas prendre ses quartiers sur cette terre », la journée fut cependant « lumineuse et agréable » : un bon point pour le « paradis de Veysonne » ! Autre bon point : « l’organisation impeccable » soulignée par le rapport du jury du festival. (cf. rapport du jury, festival UCC, 1965).
Le comité d’organisation de ce premier festival se composait comme suit : Michel Praz, président ; Alphonse Fournier de Maurice, vice-président ; Michel Théoduloz et Henri Fournier, secrétaires ; Maurice Fournier et René Praz, caissiers ; Jean-Maurice Délèze, membre. D’un point de vue musical, la cuvée ne fut pas exceptionnelle et le jury fut « un peu moins satisfait que d’autres années » et se demanda si « la cause en est à cette fameuse années d’élections où l’activité de beaucoup de chorales est souvent entravée par la fièvre électorale ? » (Rapport du jury, festival UCC, 1965)

L’APOGEE DU CHŒUR D’HOMMESimg 21710

En ce qui concerne l’activité musicale de la société, dès 1966, la baguette avait été reprise par Michel Praz – avec la collaboration d’Aloys Fournier jusqu’en 1968. Avec lui le chœur, redevenu masculin, connut un essor considérable. La jeunesse des années 1970 adhéra en masse à la chorale et les registres étaient bien garnis. La qualité des prestations était très souvent au rendez-vous, grâce notamment à un travail en profondeur du répertoire grégorien. Les rapports du jury du festival ne tarissaient pas d’éloges pour féliciter et encourager notre chorale dans ses choix musicaux souvent éloignés des canons de la mode. Alors que de nombreuses sociétés de chant étaient passées en mixte, le chœur d’hommes de Veysonnaz se forgea une réputation indéniable de qualité vocale mais il apparaissait simultanément, dans l’Union Chorale du moins, comme le « dernier bastion de la phallocratie ». En 1970, Michel Praz devint président de l’UCC et travailla immédiatement à rapprocher celle-ci de la Fédération des Sociétés de Chant du Valais (cf. brochure : « 1906-2006, L’Avenir de la mémoire », FSCV). La  Ste-Cécile intégra cette Fédération et commença à prendre part chaque 4 ans aux Fêtes cantonales de chant dès 1972.

Les chœurs d’enfants et de jeunes

Relevons ici l’excellent travail réalisé auprès des enfants par l’instituteur Jean-Norbert Théoduloz et la prestation exceptionnelle que son chœur d’enfant produisit au festival d’Hérémence en 1972 : « c’était vraiment le sommet musical de tout le concert du matin » (cf. rapport du jury, festival UCC 1972). Ce même chœur d’enfants s’illustra également lors de la première fête cantonale de chant des enfants et des jeunes à Monthey en 1974. Le travail initié par M. Théoduloz vit son prolongement dans un nouveau chœur d’enfants et de jeunes dirigé par Christian Lathion entre 1976 et 1981. Ceux-ci accompagnèrent d’ailleurs le chœur d’hommes (arborant ses plus belles couleurs !) à la fête cantonale de Brigue de 1978.  Vint ensuite le chœur des jeunes Tourdion (46 membres lors de sa fondation !) dirigé conjointement par Christian Lathion et Jean-Daniel Praz de 1984 à 1987. Sans doute que ces différents chœurs donnèrent le goût de chanter à bon nombre des choristes actuels de la Ste-Cécile et qu’ils permirent le démarrage ultérieur du chœur mixte.

Vers la transition

En 1984, Henri Praz reprit la direction de la société après l’avoir présidée entre 1979 et 1982. Sous sa baguette, et malgré des effectifs en baisse, le chœur d’hommes atteignit une qualité musicale remarquable, particulièrement dans le domaine du chant grégorien. La prestation de la Ste-Cécile lors du festival d’Hérémence en 1986 (Te Deum grégorien et Otce nàs de Kedroff) reste dans bien des mémoires comme un digne point d’orgue à toutes ces années de chœur d’hommes. L’année suivante, la formation masculine participait à son dernier festival à Haute-Nendaz. C’est aussi en 1987 à Haute-Nendaz que l’Union Chorale du Centre honorait Michel Praz du titre de Président d’honneur après 16 ans (1970-1986) passés à la tête du groupement.

Mais les temps avaient changé : les femmes, qui avaient goûté aux délices du chant avec l’abbé Vannay, et les jeunes filles qui en avaient fait de même avec Jean-Norbert Théoduloz, Christian Lathion ou Jean-Daniel Praz dans les chœurs  d’enfants et de jeunes successifs, portaient en elles le désir légitime de chanter. De plus, un petit coin de terre comme le nôtre ne fournissait plus un contingent d’hommes suffisant. Une page importante de la vie de la société se tournait, non sans quelques regrets. La chorale allait devenir mixte et progresser rapidement dans ce nouveau registre, toujours placée sous l’experte direction d’Henri Praz.