L’art du chant fut sans doute pratiqué depuis bien longtemps dans nos villages de Veysonnaz, Clèbes et Verrey. Qui saura nous dire ce que nos ancêtres fredonnaient à la veillée au coin du feu ou près du berceau pour apaiser les enfants ? Quelles chansons et quelles danses aux jours de fête ? Quelles huchées sur les alpages aux moments de communion intense avec la nature et la terre nourricières ? Quelles chansons sortaient des caves fraîches ? Sans doute nos ancêtres chantaient-ils dans la langue du pays, le patois des paysans. Que chantaient-ils en chœur ? Je me souviens encore de Grand-Père François qui entonnait – à l’occasion d’une fête de famille, à ce moment où les cœurs se font plus tendres et où perce la nostalgie – une complainte surgie du fond des âges : « A yà dé öme » (la vie de l’homme). Et puis arriva l’école obligatoire, dans la seconde partie du 19ème siècle. La langue française s’imposa peu à peu et avec elle de nouvelles chansons et comptines.
Mais c’est certainement dans les nombreuses liturgies que nos ancêtres ont le plus chanté. Venues du premier millénaire, les antiques mélodies grégoriennes avaient traversé les âges. Les Ave et les Pater, le Kyrie et le Sanctus ainsi que les divers répons et invocations ont baigné des générations de chrétiens. La langue latine et les modes grégoriens conféraient à ces chants religieux la solennité et le mystère appropriés. Nous savons que nos anciennes confréries, comme celle du Saint-Sacrement, nommaient des chantres chargés d’animer les messes et les processions. Les registres paroissiaux (de Nendaz) ont partiellement conservé la mémoire des hommes et des femmes qui prêtèrent leur voix à la louange divine. Le latin était encore utilisé pour les chants polyphoniques que l’on chantait « en musique ».
Quand ils étaient incorporés à la grande paroisse de Nendaz, nos villages fournissaient un groupe de chantres qui animaient, tour à tour avec les autres villages de la paroisse, les offices à l’église de Basse-Nendaz. Parfois, à l’occasion des grandes fêtes, ces groupes pouvaient se réunir pour former une chorale plus grande, d’autres fois, ils se disputaient l’honneur d’animer telle ou telle célébration. On estime l’importance du contingent de chanteurs issus de nos trois villages à une vingtaine d’hommes. Vers 1885, les chantres de toute la paroisse bénéficièrent, deux hivers durant, des cours de M. Emile Perruchoud, monté de Chalais et domicilié à Nendaz. Celui-ci initia, au cours de veillées fort appréciées, les gens de nos villages au solfège et à la polyphonie. En 1906, une certaine « Cécilia » de Nendaz faisait partie des chorales fondatrices de la Fédération des Sociétés de Chant du Valais. Certains de ses membres allaient constituer le premier noyau de la chorale Ste-Cécile de Veysonnaz.