Pâturages et Forêts

Source : Les Pâturages de la région de Sion - Théodore Kuonen

L'administration de l'alpage, l'organisation du travail, les taxes à payer pour chaque sorte de bétail figurent dans les statuts. Chaque allodiateur (propriétaire) est tenu aux charges et aux «manoeuvres» alphonseBexou corvées de la montagne en proportion de ses droits et chacun peut être appelé à faire une manoeuvre, par exemple à la Saint-Jean.

On doit conduire à la «remointze» une charge de bois par vache à lait et, pour trois porcs, une charge de litière. On est en outre tenu aux fournitures pour l'entretien des domestiques. Aussi, chaque alpateur doit se rendre à l'alpage le jour de «chevuaz» et de mesurage du lait.

Il y a encore le «poyazo», c'est-à-dire le contrôle des fonds en jouissance et le recensement du bétail alpé.

Quelques récompenses attendent les consorts à la mi-été, lorsqu'ils ont droit, à titre «d'arpiezoz», à une ration de fromage, de beurre et de crème, et lors de l'assemblée générale, quand les procureurs distribuent fromage, pain et vin.

Les amendes prévues en cas de contraventions aux arrêtés sont fixées en détail ; il se peut que le contrevenant soit obligé de séparer son lait d'avec les autres consorts et de le fructifier à titre personnel.

Les statuts fixent les conditions de base pour être admis comme consort ou allodiateur, l'unité donnant le droit d'alper une vache, ainsi que les obligations à remplir pour être admis dans la société. Les modalités de vente et d'échange des droits de fonds sont également prescrites.

Désalpe3 1930La jouissance des alpages communaux est subordonnée d'abord à la condition de bourgeois.

Dans un grand nombre de cas, les statuts devaient être approuvés par l'évêque, lequel réservait les droits de sa mense auxquels les statuts en question ne devaient en rien déroger. L'utilisation des communaux dits aussi «bans» ou «mayens-hauts», est liée aux pâturages d'alpage.

Le transfert ou l'aliénation des droits d'alpage est également réglementé.

A ce titre, les plus vieux statuts connus et qui concernent l'alpage de l'Egina, méritent d'être cités : Ils datent de 1240 ; les hommes de Reckingen et d'Ulrichen établissent que personne ne peut vendre ou aliéner des droits sans le consentement de tous les consorts

On peut conclure que le droit de jouissance des alpages est allé dans deux directions principales:

1. Vers un alpage bourgeoisial ou devenu tel par achat de droits, dont le fonds appartient à la bourgeoisie et dont la jouissance est fondée sur le principe de l'égalité entre les bourgeois :

Il est administré et surveillé par un conseil bourgeoisial ou une commission des alpages ;

La jouissance est réglée par des taxes à payer pour le bétail ou par un prix de location ;

La bourgeoisie, dans bien des cas, participe à des travaux extraordinaires ;alphonsemarcellin

Il est exploité, en vertu d'un règlement bourgeoisial, par un consortage, soit une association de droit cantonal lui attribuant la personnalité morale par approbation des statuts par le Conseil d'Etat ; le but est une exploitation rationnelle;

les travaux ordinaires sont toujours à la charge des consorts.

2. Vers un alpage de consortage qui est soit d'origine ancienne et inconnue, ou qui s'est formé progressivement, ou encore qui est devenu propriétaire du fonds par convention avec la bourgeoisie:

L'ensemble de l'alpage est alors réparti en nombre d'unités, souvent subdivisées en groupes ;

Les droits se transmettent par héritage ou par acquisition ;

On perd son appartenance par la vente de tous les droits de fonds ;

Un minimum de droit de fonds est exigé pour être consort et être incorporé dans la société moyennant, au surplus, une finance d'entrée ; la part du fonds donnant droit à alper le bétail et à faire partie des allodiateurs est fixée.

Dans chaque cas, les statuts déterminent l'organisation plus ou moins structurée, les attributions des organes (direction, procureurs, charge-ayants), des domestiques dénommés suivant leur tâche spécifique, les prestations, les obligations des allodiateurs et consorts, les taxes pour le bétail, les fournitures et corvées des consorts, les salaires en nature.

Source : Les Pâturages de la région de Sion - Théodore Kuonen

Dès cleusonle XIVe siècle, la population augmente et le cheptel également; l'élevage, qui est l'occupation principale, devient si important qu'il faut se procurer de nouveaux pâturages par l'extension des alpages, au besoin sur d'autres communes et même sur d'autres cantons. La lutte pour les pâturages d'alpage ne tarde pas à se faire jour: Nombreux sont les documents qui nous parlent de litiges entre les communautés voisines, de sentences arbitrales, d'accords, de jugements des tribunaux. Nombreux aussi sont les arrêtés, statuts, ratements, renouvelés périodiquement. L'usage satisfaisant des pâturages et alpes ne peutedelweiss 1 se faire que sur la base de réglementations définissant l'exercice ordonné de leurs droits par les intéressés.

Les règlements fixent les jours de l'inalpe et de la désalpe, les chemins à suivre pour la montée et l'heure et la place du rassemblement. Aucun consort ne pourra désalper ses bestiaux avant la date fixée par le Conseil communal ou les procureurs.

Il est défendu d'alper plus de têtes de bétail que son propre fonds ne peut en porter, d'alper une vache louée ou achetée en vue de l'inalper; personne ne pourra donc investir plus qu'il n'a de droit de fonds et celui qui aura plus de mesures de lait qu'il n'a de fonds devra descendre les vaches en trop.

Celui qui a trop d'herbe doit l'admodier (mettre en location) au premier consort qui la demande et, s'il ne peut pas la louer, il sera indemnisé par les procureurs. Celui qui n'a pas assez d'herbage sur la montagne dont il est consort peut être appelé à payer une taxe par vache.

Nombreuses sont les dispositions qui se réfèrent à l'alpation des vaches, génisses, veaux, porcs, moutons: les vaches sont classées en vaches à traire (laitières), en vaches sans lait, ou ne donnant pas la mesure prescrite ; les génisses sont classées d'après l'âge ou comme devant mettre bas leur veau à la montagne.

On peut alper un porc ferré en proportion du nombre de vaches alpées, c'est-à-dire du lait de tant de vaches. Il en va de même pour les veaux. Les moutons ont, en général, un espace réservé.

Celui qui arrive le matin avec chevaux ou mulets devra les redescendre le soir, car on ne pourra pas les abandonner de nuit sur les pâturages.

Source : Les Pâturages de la région de Sion - Théodore Kuonen

Les ayants-droit réglementent alors la jouissance de ces communs en établissant des arrêtés au nombre desquels on trouve les dispositions importantes de la mise à ban des pâturages.

Les époques de la mise à ban pouvaient varier selon les conditions géographiques et climatiques de la région, l'altitude des prés-mayens, les usages des communes.

La mise à ban englobait également les propriétés privées et tous les pâturages pouvaient être ouverts au parcours à des dates déterminées: à partir de la mi-août, de la Saint-Barhélemy [24 août], de la Nativité de la Sainte-Vierge [8 septembre], de la Saint-Michel [29 septembre] et cela jusqu'à la mi-mars, au 1er avril, au 1er mai, à trois semaines avant la Saint-Jean-Baptiste [24 juin].

terres agricolesLa mise à ban des prés «recordains» (à regain) se faisait d'ordinaire de la mi-mars jusqu'à la Saint-Michel.

En principe, le parcours du bétail dans les mayens communaux était formellement défendu pendant la saison d'alpage.

Les mayens-hauts étaient ouverts au parcours, par décision du Conseil communal, à une date déterminée. C'était le jour de la «débandia». Dès l'inalpe, ces mêmes mayens ne pouvaient être pâturés que par le bétail de l'alpage concerné. Pour ne pas ramener le bétail prématurément sur les communaux, il était défendu de désalper avant la date fixée. Les arrêtés ou règlements relatifs aux mayens communaux sont nombreux et souvent renouvelés.

Une règle généralement appliquée était celle qui défendait de pâturer sur les biens communaux plus de têtes de bétail qu'on n'en pouvait hiverner avec son propre foin ou qui auraient été nourries de fourrage provenant du bien loué de personnes non-communières ; ou encore de faire paître sur les communaux du bétail étranger à moins de l'avoir nourri tout l'hiver de son propre foin ; ou encore celle qui interdisait aux non-communiers la pâture sur les biens communs.

En principe, le non-bourgeois devait payer son droit d'usage des biens communaux. chèvreLe non-bourgeois habitant pouvait, le cas échéant, y pâturer son gros et menu bétail en payant une indemnité ou un droit annuel. Pouvait également être soumis à une taxe celui qui conduisait du bétail sur les communaux sans avoir de propriété à un endroit précis de la commune. Celui qui n'avait de biens que hors de la commune et faisait paître ses vaches en automne et au printemps sur les communaux, devait payer une somme par vache qu'il était à même de nourrir en hiver avec les produits de ses biens sis hors de la commune.

Les premiers statuts réglant l'utilisation des possessions communes étaient basés sur les coutumes et usages pratiqués. Ils s'adaptaient ensuite aux nouvelles exigences ; ils étaient donc l'expression des préoccupations des communautés essentiellement rurales et du droit local.

Les procureurs ou syndics avaient l'obligation d'assurer la sauvegarde intégrale des biens communs en les défendant contre leurs seigneurs ou contre toute intrusion des communautés avoisinantes. Dès le XIIIe siècle apparaissent dans les documents des règles sur l'usage des pâturages.

Source : Les Pâturages de la région de Sion - Théodore Kuonen

Elles pouvaientdeplacement moutons varier dans certains détails d'un endroit à l'autre.

Certaines communes autorisaient la pâture en commun pendant toute l'année sur les champs non semés, d'autres à des périodes précises. On trouve le parcours en commun autorisé pour tous les bestiaux et sur tous les prés existants, de la Toussaint ou la Saint-André [30 novembre] jusqu'à la Purification [2 février]. Quant aux champs semés, les dispositions variaient le plus souvent.

Les pâturages pour le petit bétail étaient souvent désignés par secteur ou village.

Il existait de nombreux règlements concernant le parcours des porcs, des chèvres et des moutons.Epilobe

En général, les porcs devaient, en tout temps, être tenus en dehors des prés semés et, du début avril à la Saint-Michel [29 septembre], hors de toute propriété (sauf la sienne).

Chèvres et moutons sont, dans bien des endroits, exclus toute l'année de toute propriété. Le Conseil communal pouvait aussi fixer le nombre de chèvres par ménage; elles devaient être menées à la bergerie et il était défendu au berger de prendre en garde chèvres ou moutons appartenant à des non-communiers.

Aucune brebis ni chèvre ne pouvait être gardée pendant l'été dans le périmètre du village.

A l'origine, les pâturages communs, en allemand «Allmends», faisaient partie du domaine seigneurial; leur jouissance était cédée à des feudataires ou à la communauté sous certaines conditions.

De nombreux documents en témoignent: ainsi, dans l'arbitrage entre l'évêque de Sion, Conon, et son vidomne, Guillaume de la Tour, en 1179, il est spécifié que les pâturages, dans leur ensemble, sont du domaine de l'évêque, lequel les possède en paix. Toutefois, ceux que le vidomne possède et cultive à Champsec, l'évêque les lui cède à nouveau et gratuitement.

Le seigneur pouvait permettre à son feudataire de remettre à cens (impôt) une partie de ces pâturages communs.

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