Date de naissance : 1920. Vivait chez ses parents pendant la guerre et avait trois sœurs.

 

IMG 1916« Moi je me rappelle pendant la guerre, ils allaient tous là écouter les nouvelles. C’était le président de commune, le seul qui avait la radio au village. Et puis alors on allait souvent tu vois, à neuf heures du matin, c’était bondé dans la maison, dehors devant. On voulait tous savoir ce qu’ils donnaient comme nouvelles, si on avait en Suisse aussi la guerre, parce qu’un moment ils disaient, ils ont été mobilisés quand même, tous les hommes qui étaient militaires et certains sont restés jusqu’à la fin et encore après, ils restaient travailler dans les compléments comme ils disaient. Mais autrement, c’est sûr que c’était dur. Moi je me rappelle, j’allais aux mayens donner aux vaches quand le « totzeu » a sonné, pour annoncer qu’il y avait la guerre. Non, c’était assez sérieux à ce moment-là. On s’attendait à ce qu’il y ait la guerre. »

Vous viviez chez vos parents pendant la guerre ?

« Oui, j’ai toujours vécu ici, mais c’était pas comme ça. A ce moment-là, enfin c’était un peu partout la même chose, il y avait une grande chambre et puis l’hiver, on faisait là-dedans tout. Alors on avait comme un genre de cuisine, une grande cheminée, comme il y avait, qui marchait avec le bois. On n’avait pas ni radiateur, ni rien, on chauffait avec les fourneaux qu’on avait. On n’avait pas isolé, rien. »

Vous alliez chercher le bois ?

« Chercher le bois, oui, ça aussi. L’automne, avec les hottes on partait pour faire les réserves pour l’hiver. On était rien que des filles. »

Combien étiez-vous en famille ?

« On était quatre filles. Et puis on devait gouverner le bétail. »

Quelle était votre activité principale pendant la guerre ?

« Oh ben quand on avait fini l’école, on savait qu’on était obligés de faire les foins, et tout et sortir les pommes de terre. »

Vous deviez aider aux champs ?

« Oui, oui, bien sûr. A ce moment-là, il n’y avait pas de travail. L’été, on pouvait aller à la vigne. Mais l’hiver, on avait des grandes soirées. »

Pouviez-vous gagner un peu d’argent ?

« Oui, gagner, la vie n’était pas chère non plus. Moi je suis restée chez Angeline, elle avait le bistrot et le magasin en 39. C’était le premier magasin. C’est pas comme à présent. »

Avez-vous senti des différences dans l’agriculture ?

« On cause de ça avec les jeunes des fois, mais ils ne comprennent pas. Avant, c’était tout à coups de pioches, tu vois. Et puis on avait des tas de champs jusqu’à quand les fraises sont venues, là ça a changé, mais c’était seulement après. »

Vous cultiviez un peu de tout ?

« Les légumes, avant, on connaissait pas tout, c’était rien que les choux, les patates, oui, après c’est venu les haricots, les poireaux, mais ça c’est venu beaucoup plus tard. »

Avez-vous participé au plan Wahlen pendant la guerre ? Un plan qui visait à étendre les cultures.

« Ah, ça aura bien été ça quand ils ont planté les fraises. »

Mais pas pendant la guerre ?

« Non. On plantait du blé pour faire le pain et puis pour les vaches. »

Vous aviez du bétail ?

« Oui, c’est sûr qu’on avait, aussi pour faire les boucheries. C’était en automne. On avait ça et puis, on avait les tickets qu’ils donnaient. C’était une fois par mois qu’on pouvait aller chercher chez un particulier. »

Pouviez-vous vous nourrir en suffisance avec les tickets de rationnement ?

« Oh et ben il y a des fois où c’était assez serré. Ceux qui avaient deux ou trois gamins, ça allait bien. Je crois qu’ils donnaient moins quand la famille avait des gamins pas trop petits. »

Avez-vous ressenti des difficultés dans votre famille ?

« Tu sais, on avait presque assez avec les boucheries, un porc et puis un veau d’une année. C’est sûr qu’on n’avait pas de tout. C’est encore après quand on a eu les gamins que c’était encore plus dur. Pendant la guerre, j’étais pas mariée, je me suis mariée en 45. »

Votre papa a-t-il été mobilisé ?

« Non, non, il avait déjà fini. »

C’était toute la famille qui s’occupait des travaux des champs ?

« Ah oui, c’était toute la famille. Oui, c’était pas tout rose. Les unes étaient mariées déjà. Je suis restée à la maison ici depuis que je suis née. »

Est-ce que vous aidiez beaucoup à la maison ?

« Oh bien sûr qu’il fallait aider. Il fallait aider les parents, mais c’était pas comme à présent où les gens deviennent plus âgés, moi j’ai 85 ans, je peux dire. Mais ils étaient encore assez ménagés, papa avait 81, maman 82. Mais ils pouvaient pas travailler grand-chose, alors on restait plus longtemps à la maison. T’as pas connu mes sœurs, une, c’était la femme à Henri Délèze, pas les mêmes que toi, des autres. Hélène qu’elle s’appelait. On allait aider les parents pour tout. Avant, le chemin qui conduit jusqu’au bisse, c’était rempli de bois, alors ils allaient chercher avec la hotte. Mais c’était pas comme à présent. Mais à présent, le bois, il retourne pas mal employé. »

Mais c’était pas très facile pour les femmes au foyer dont les maris étaient mobilisés ?

« Ah ben ma sœur Angèle, elle avait quand même déjà quatre enfants. Elle a eu neuf elle, mais quatre qui sont nés pendant la guerre. »

Avait-elle des difficultés ?

« Bon tu vois, ils étaient payés ceux qui allaient à la mobil’. Ils avaient un peu d’argent. »

Vous aviez des moyens pour gagner de l’argent ?

« Moi quand je suis sortie de l’école, je suis allée travailler chez Angeline quatre ans. C’était elle qui s’occupait du magasin, moi je faisais le ménage en haut. Mais là, c’était encore pas la guerre, c’était quand j’ai fini l’école. Là, j’avais un peu de sous. Mais tu vois, 90 francs qu’on avait par mois à cette époque. C’était comme ça. On allait travailler à la vigne, on avait quatre francs par jour et puis en bas à pied depuis ici à Sion. Ouai, ça a changé ça à présent. C’est combien par heure maintenant ? Ça a bien augmenté. »

Aviez-vous senti une différence dans votre vie avant la guerre et pendant la guerre ?

« Ben tu vois, on sentait quand même, avec les hommes qui partaient. Pas chez moi, mais les beaux-frères, ils sont tous partis faire la mobil’ et tout. Et puis c’est sûr qu’on n’avait pas grand-chose à gagner. On faisait plus s’amuser qu’autre chose, contrairement à vous, vous êtes toujours à l’école encore. »

Vous aviez du temps pour vous amuser ?

« Oh oui, à ce moment-là, on prenait du temps pour s’amuser. On passait de belles soirées. On faisait ces longues veillées, c’était intéressant. Mais ça c’était pas seulement pendant la guerre, c’était aussi avant. Mais il y avait quand même ceux qui étaient mobilisés. Alors ça, ça faisait peur. »

Vous n’avez donc pas vraiment eu faim pendant la guerre ?

« Faim, disons pas, parce que tu vois, on avait beaucoup de blé, alors notre papa allait faire le pain au four à la Golette. Mais on se prêtait, tu vois, il paraît que certains allaient demander. Peut être que ça manque beaucoup, à présent on n’a plus tant de relations comme avant. Si on sait pas aller vers les autres, on reste… »

Vous faisiez des échanges avec ceux qui avaient moins par exemple ?

« Oh oui, souvent ça. On allait comme ça se prêter, le sel, le sucre, ça se faisait ça. »

Mais il n’y avait pas de contrôles ?

« Non, non, il n’y avait pas de contrôles pour ça. Ça, c’était des services. »

Votre souvenir de la guerre n’est donc pas trop dur ?

« Tu vois, ceux qui étaient au service, ils avaient des bonnes paies. En tout cas, ma sœur disait toujours qu’elle avait assez de sous, mais elle avait beaucoup à faire avec ses quatre gamins, il fallait donner aux vaches, il fallait travailler, il fallait faire tout. »

Vous aviez pu faire des réserves ?

« Oh ben avec les tickets, on pouvait acheter pas mal. »