Retracer en quelques lignes l'histoire de la politique au village n'est pas chose aisée. Lorsque l'on s'entretient avec les "anciens" qui ont été parfois des acteurs importants, ils ressentent une sorte de gêne et d'appréhension, à parler de la vie politique locale sous le régime des partis de famille. D'autre part, ces partis ont marqué et marquent encore la vie locale, certains faits sont restés gravés dans la mémoire de tous et ils se transmettent de génération en génération.

Il n'est pas facile de situer l'origine des partis de famille. Deux clans, les "Fournier" et les "Délèze" se livraient une lutte acharnée pour l'obtention de la majorité au conseil communal. Ils étaient structurés en fonction des liens de parenté. Bien sûr, ils ne correspondent pas aux partis politiques que l'on connaît au niveau cantonal : le parti conservateur, le parti radical et le parti socialiste pour ne citer que les plus importants.

L'origine de ces clans est assez controversée. Ces deux partis de famille se définissaient de tendance conservatrice mais il semble qu'aucune idéologie ne les différenciait. Chaque famille de la commune appartenait généralement à l'un de ces partis. Parfois, à la suite d'histoires de famille ou de conflits à l'intérieur du clan, une personne ou une famille changeait de parti,., ils "tournaient leur veste". Lors des élections communales, le score était généralement très serré ; les "indécis" faisaient souvent pencher la balance. C'est pourquoi, à l'approche des élections, les chefs de clans allaient visiter les familles considérées comme hésitantes. Ils apportaient à boire et à manger (du pain, du fromage et du vin) et ils essayaient d'inciter leurs hôtes à voter pour leur clan. La campagne électorale durait un mois environ. Des réunions des deux partis étaient organisées régulièrement avant les élections. La tactique politique à adopter était discutée par les chefs de clan, le plus souvent dans l'intimité d'une cave.

La vie sociale du village était marquée par l'approche des élections communales. Des conflits étaient fréquents, surtout le soir et parfois, des plaintes pénales étaient déposées pendant la campagne électorale. Il était dangereux pour les hommes, de sortir seuls le soir ; ils risquaient de se faire "rosser" par des membres du clan adverse.

Les deux partis avaient leurs lieux de rencontres et de réunions ainsi que leurs établissements publics. Même à l'église, on se gardait d'aller dans un banc du clan adverse. On se mariait dans le parti ; il n'était pas pensable de chercher mari ou femme dans le parti adverse.

Lorsque les résultats étaient connus, c'était la fête pour le parti vainqueur. Le président et le vice-président apportaient chacun quarante litres de vin et un fromage. Quant aux conseillers, ils apportaient vingt litres de vin et la moitié d'un fromage. La victoire se fêtait chez des particuliers et dans le bistrot du clan.

En 1924 et 1925, une lutte politique acharnée opposa les deux clans. Lors des élections de décembre 1924, le parti Fournier avait conquis le pouvoir. Le président élu habitait une partie de l'année Verrey, un hameau de la commune de Nendaz. Certains se plaignaient de l'absence du président. Dans ces circonstances, le chef du clan Délèze fit un recours au Conseil d'Etat et il eut gain de cause. Aux élections suivantes, il devint président de la commune. La politique des partis de famille jouait un rôle essentiel dans ce village.

Toute la vie sociale était organisée autour de cette politique de clans. Remporter une élection communale avait, pour tous les membres du clan, une signification très profonde. Dans ce système social quasi-autarcique cela correspondait, pour les membres du parti victorieux, à la possibilité de se voir confier des places de travail importantes au niveau communal. Parmi les responsabilités les plus en vue, on peut citer le fait d'accéder à des postes de membres du consortage des alpages, de la laiterie, des bisses ou encore de responsable des travaux publics. Au niveau des sociétés locales, comme la Chorale Ste-Cécile, cela signifiait, par exemple, devenir membre du comité.

Ces partis de famille ont subsisté jusque vers 1965, lorsque les profondes transformations économiques qui ont marqué la vie du village ont eu raison de ce modèle d'organisation politique, au moins en surface. Les "Fournier" et les "Délèze" se sont unis pour fonder le parti démocrate-chrétien ; cette initiative allait de pair avec une réelle amélioration des relations entre les clans ; quelques mariages remarqués en témoignent. En 1963, on assiste à la formation d'un groupe socialiste dont les membres se recrutaient principalement dans le milieu ouvrier. Opposition à certaines formes de monopolisation du politique, volonté de changement dans l'orientation de la politique communale, refus d'un système de valeurs trop crispé, c'est un peu tout cela qui est à l'origine de l'émergence de ce mouvement socialiste. Après quelques années de présence très minoritaire dans l'exécutif communal, les socialistes se sont mis en position d'attente dans une conjoncture politique où l'unanimité récente commence à présenter des failles de plus en plus perceptibles.