A partir de fin 1905, la décision fut prise de fonder la nouvelle paroisse et de construire une église à Veysonnaz, mais on y célébra la messe que vers 1908 (cf. Histoire paroissiale de Veysonnaz, Clèbes et Verrey, de Jean-Philippe Glassey). Le 23 août 1907 marqua une étape importante du chantier : on posait une croix sur le frontispice de l’église et ce fut l’occasion de fêter la fin du gros œuvre de l’église avec les amis et les donateurs des Mayens-de-Sion. La jeune « Rosa Blanche » donna son concert, mais le journal n’évoque pas en ce 23 août 1907 la présence d’une chorale. La première messe du chanoine Jean (Léger) Praz de Clèbes, qui se déroula le 15 août de l’année suivante, fut en revanche animée par deux chœurs puisque le journal rapporte que « durant la messe un chœur d’hommes et un chœur de jeunes filles nous charment tour à tour  par leurs belles productions » (Nouvelliste valaisan du 19.08.1908). Je suppose que ces deux chœurs furent préparés spécialement pour la circonstance, ainsi que pour la bénédiction des cloches qui avait eu lieu le 19 juillet, par l’Instituteur Jean Barthélemy Fournier surnommé « i Rejan de Bâ » (le Régent de Baar).
Mais comme la nouvelle église allait entrer en service avec la nomination de Jean Praz au poste de vicaire de Nendaz et de desservant de Veysonnaz, il fallait assurer la pérennité de la chorale, ce qui fut fait – j’imagine – vers la fin de l’année 1908 et dans le courant de 1909. La date de 1909 figure en tous cas sur les deux drapeaux de la société. N’oublions pas que la période 1906-1912 fut le théâtre d’une très intense activité au sein des trois villages et qu’il y avait beaucoup d’autres tâches à accomplir : construction de l’église, de la cure et du cimetière, de la grange-écurie de la cure. On comprend dès lors qu’il ne subsiste pas de trace écrite d’une fondation de la chorale. En fait, il s’agissait d’une continuité : la chorale d’hommes des trois villages n’allait plus à Basse-Nendaz mais animait désormais les offices à Veysonnaz (et à Clèbes). Dans les grandes occasions, les enfants et les jeunes filles pouvaient aussi être appelés à chanter à l’église.

L’ENTHOUSIASME DES  DEBUTS

 Il est facile d’imaginer – en lisant les journaux de l’époque, les écrits du curé Georges Michelet ou le livre Histoire paroissiale de Veysonnaz, Clèbes et Verrey – l’enthousiasme qui habitait nos ancêtres lors de la construction de l’église. Le curé Pont, paraît-il, disait la messe dans l’église en chantier, mais les murs résonnaient déjà au son des cantiques. Voici quelques témoignages de ce que pouvaient être ces premiers échos musicaux qui emplissaient l’élégante voûte de la nouvelle église. Nous avons déjà évoqué plus haut les festivités de 1908. Avançons un peu dans le temps.

Lors de la consécration de l’église, le 21 août 1916, le professeur Zimmermann de Sion dirigea le chœur préparé par l’Instituteur Jean Barthélemy Fournier. Le chroniqueur rapporte que : ce chœur (d’hommes) « chante une très belle messe, avec une force, un ensemble, une harmonie qui excitent l’admiration de tous. Nous avons notamment entendu des personnes étrangères au Valais exprimer leur étonnement, de ce qu’une population agricole, qui n’a pour s’exercer que les heures très rares que lui laisse le dur labeur des champs, puisse arriver à un pareil résultat. Nous n’en sommes pas surpris, nous qui connaissons nos campagnards et savons ce que le patriotisme peut obtenir d’eux, quand il s’agit de faire honneur à leur canton ou à leur commune. » (cf. Gazette du Valais.)
Autre son de cloche de cette époque, bien différent mais tout aussi enthousiaste et qui permettait cette fois-ci aux femmes d’exprimer leur voix. On chantait régulièrement lors des réunions du Tiers-Ordre et notamment lors de sa fondation en 1917. Il y avait des « frères » (9) et des « sœurs » (18) « choristes » (cf. Histoire paroissiale de Veysonnaz, Clèbes et Verrey p. 140) qui occupaient les premiers bancs dans l’église et entonnaient le Te Deum ou les cantiques ad hoc. Ainsi, même si la tribune semblait être l’apanage des hommes, les femmes mariées pouvaient aussi chanter leur foi à l’église.

Eloge du chant grégorien

semiologieLe chant grégorien constituait la base du répertoire religieux de la chorale bien que celle-ci produisît aussi des messes et des cantiques à quatre voix – ce que l’on appelait « chanter en musique ». Dans le répertoire profane, on trouvait principalement des chants patriotiques. La chorale Ste-Cécile a continué à cultiver assidûment le répertoire grégorien bien après les changements liturgiques opérés par le concile de Vatican II, notamment grâce aux directeurs Aloys Praz, Michel Praz et Henri Praz. Peut-être faut-il chercher les bases de cet engouement en 1925 déjà ? En effet, à l’initiative du curé Défago de Nendaz, le chanoine Mudry du Grand-St-Bernard, vicaire de Liddes, vint donner des leçons de plain chant aux chantres de Nendaz et de Veysonnaz. Le journal nous dit que ceux-ci «comptent certes, bien des fleurons, et néanmoins, combien leur chant, exécutés sous la direction du maëstro du Gd-St-Bernard devient plus pieux, plus nuancé, plus doux et plus harmonieux. Entraînés, enthousiasmés par son procédé ferme et bienveillant, les chantres sont tout heureux de passer de longues veillées à son école. Le chant grégorien voit fort heureusement grandir  le nombre de ses admirateurs(…) C’est qu’il se prête aux nuances les plus variées, aux finesses les plus exquises, aux rythmes les plus enchanteurs. Né uniquement de la pensée de louer Dieu, il a le don de faire vibrer les fibres les plus intimes de notre cœur et de le porter vers le ciel. Il est la mélodie spontanée de notre âme en prière, et partant, le chant par excellence de l’Eglise. » (Nouvelliste valaisan, 14.02.1925)

LE PREMIER DRAPEAU ET LES LUTTES POLITIQUES

 A sa fondation, la chorale n’avait aucune appartenance politique même si l’on sait que le clergé valaisan – et donc le curé Pont – tenaient pour le  camp des « conservateurs ». Le contexte d’âpres luttes politiques qui caractérisa cette époque allait cependant marquer l’histoire de notre société de chant. Sur le plan valaisan, on assistait à une lutte à couteaux tirés entre les « conservateurs » et les « radicaux » qui parfois s’unissaient aux « socialistes » pour les élections cantonales. En 1905, naissait dans ce contexte une Fédération des fanfares et chorales conservatrices du Centre. En 1921, on vit même apparaître sur le plan suisse le parti communiste. Parallèlement, le chômage explosait dans le secteur industriel. Sur le plan communal, Veysonnaz connut aussi des remous politiques même si tous les protagonistes étaient probablement « conservateurs ».

chorale ancienneLe premier drapeau

A l’occasion de la fête patronale du dimanche 24 mai 1925, la chorale exécuta une belle messe à quatre voix « avec le concours d’un chœur d’enfant qui faisait la voix d’alto »  (Nouvelliste valaisan). Les accents de la fête se prolongèrent tout au long de la journée : on chanta, on but, on prononça des discours. M. Pralong, président de la chorale « l’Espérance » de Salins et militant du parti conservateur, se fendit d’un discours enflammé en faveur de son parti. Au cours de la soirée, quelqu’un émit l’idée de doter la chorale d’un drapeau conservateur. La société de chant entrait dans la « Fédération des fanfares et chorales conservatrices du Centre » (cf. plus haut) à laquelle appartenaient notamment la Rosa Blanche et l’Echo des Glaciers de Vex. La même année, la chorale effectua une sortie à Evolène où elle posa pour la plus ancienne photo connue de la société ; peut-être y fut-elle invitée au festival conservateur ? Une année plus tard, soit le 11 avril 1926, le premier drapeau de la chorale était béni à Veysonnaz par le curé Zuber, en présence de la fanfare de la Rosa Blanche et de toute la population. Le parrain du nouveau drapeau n’était autre que Jean Délèze, ancien président de la commune. En l’honneur « du benjamin des drapeaux conservateurs valaisans », la chorale interpréta  de façon mémorable le « Laudate Dominum » à quatre voix de Wolf (cf. Nouvelliste valaisan du 15.04.1926). En mai, elle participa à son premier festival (voir ci-dessous).

Les festivals conservateurs

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Après l’acquisition de son premier drapeau, la chorale Ste-Cécile participa vraisemblablement à son premier festival conservateur le 16 mai 1926 à Vex.  Elle y assuma l’animation de la messe en plein air. Quels chanteurs étaient présents puisque nous nous trouvons là au beau milieu de la période de scission ? Nous pouvons penser que pour l’occasion, l’union sacrée rassembla tous les chantres. A cette époque, sur une bonne vingtaine de sociétés, on ne trouvait dans cette fédération que trois chorales : l’Espérance de Salins, la Cécilia de Chamoson et la Ste-Cécile de Veysonnaz. Le reste du contingent était constitué de fanfares. Toujours programmée un dimanche de mai, la journée du festival débutait par l’accueil des sociétés et le vin d’honneur, puis venait l’exécution du morceau d’ensemble des fanfares. Tout le monde se rendait ensuite à l’office divin chanté par une chorale. La matinée se terminait par le cortège et le banquet. Le Concert des Sociétés se déroulait l’après-midi, souvent en plein air. Ces festivals constituaient en fait la « Landsgemeinde » du parti conservateur et une démonstration de force. Des milliers de personnes y assistaient et les discours étaient enflammés. Les ténors du parti et du gouvernement y prenaient la parole. Les discours les plus applaudis étaient ceux de Maurice Troillet et de M. Evêquoz, président du parti conservateur.

En 1928, lors du festival de Saxon, la Ste-Cécile fêta plusieurs médaillés pour 20 ans d’activité : Fournier Jean-Barthélemy, Théoduloz Jean, Fournier Cyprien, Fragnière Jean-Léger, Salamolard Maurice, Praz Maurice, Fournier Maurice, ce qui laisse penser que ces messieurs chantaient déjà depuis 1908. Au concert de l’après-midi, elle chanta « Pays des blanches cimes » de Schnyder. En 1932, le festival eut lieu à Basse-Nendaz, et la messe fut chantée, sous la direction de M. Georges Haenni, par la « chorale paroissiale » de Nendaz qui ne faisait pas partie de la fédération. Dans les rangs de la Ste-Cécile, se trouvaient encore des médaillés pour 20 ans d’activité : Bonvin Joseph, Franière Lucien, Praz Jean et Praz Louis. En 1934, le festival se tint à Fully où nos chanteurs retrouvèrent l’abbé Henri Bonvin et où ils interprétèrent « Salut, gai printemps !» de Giroud. S’ajoutèrent à la liste des méritants : Théoduloz François, Fournier Jean de Barthélemy, et Fournier Jean, conseiller. En 1935, tout ce beau monde se rendit à Savièse. On ne trouve plus de mention de la chorale de Veysonnaz après cette date et il semble bien qu’elle dut attendre 1956 et son entrée dans l’UCC pour revivre ce genre de rassemblement festif.

 

Dans les mêmes années cependant, les dissensions politiques qui secouaient Veysonnaz (luttes entre Délèze et Fournier pour le conseil communal) se répercutèrent dans la chorale. Les membres ne s’entendaient plus et une scission se produisit. Il y eut deux chorales, et deux directeurs : Lucien Fragnière et Jean Fournier. Ceci eut l’heur de déplaire souverainement à Mgr. Bieler qui interdit aux deux formations l’accès à la tribune. En 1927, un examen d’entrée fut imposé par Mgr. à tout candidat chantre. L’affaire fut réglée autoritairement et la solution suivante trouvée : un tiers de l’effectif fut choisi dans le parti Délèze, un tiers chez les Fournier et le troisième tiers provenait des villages de Clèbes et Verrey. La chorale poursuivit son activité sous la direction de Lucien Fragnière, directeur de 1921 à 1951. De nouvelles dissensions d’origine politique allaient survenir en 1946 au sujet de l’entreposage du drapeau et l’Evêché dut encore intervenir. Probablement dès 1935, mais en tous cas depuis son entrée dans l’Union Chorale du Centre en 1956, la chorale ne fit plus de politique et se cantonna à la liturgie ainsi qu’à l’animation de la vie sociale de nos villages.