JeanPierre

Jean-Pierre Fragnière s'en est allé. 

La presse romande a rendu hommage à ce grand défenseur de la cause sociale et de la dignité de tout être humain, quel qu'il soit. La cérémonie d'adieu au Centre funéraire Montoie à Lausanne, a attiré de nombreux amis et personnalités. Placée sous la houlette de Bernard Crettaz, elle a évoqué l'itinéraire de vie de Jean-Pierre, ses multiples engagements, son extraordinaire énergie, jusqu'à son dernier souffle. Les deux compères s'étaient déjà affrontés à fleurets mouchetés dans un épisode de Plans fixes consacré aux personnes qui ont marqué l'histoire de la Suisse romande (voir sur internet: Plans fixes Jean-Pierre Fragnière).

Originaire de Veysonnaz, c'est là qu'il avait ses racines. On appelait son père « Henri da rëncha», Henri de la scierie: à l'époque les instituteurs, mal payés, n'enseignaient que six mois par année; il fallait bien nourrir les siens, arrondir les fins de mois. Et le mandat de député au Grand Conseil n'apportait pas grand chose, si ce n'est une considération sociale. Ce qui n'empêchait guère Henri de se montrer solidaire des gens du village, confrontés plus que sa propre famille aux aléas de l'existence. A l'échelon des grands parents, Jean-Léger, paysan de montagne, avait trouvé sa Lucienne à Haute-Nendaz. Les échanges entre les communes voisines étaient enrichissants et monnaie courante.

Jean-Pierre passa son enfance à Veysonnaz. Il se fit des amis parmi les jeunes de son âge et se familiarisa avec l'économie de survie, caractéristique de cette société montagnarde. Il m'a souvent rappelé ses visites à Clèbes le dimanche, bourgade sise à proximité sur Nendaz, auprès de ses cousins Fragnière: petites friandises, discussions sur la vie sociale, perspectives d'avenir...

Les études, puis son itinéraire professionnel l'ont confronté aux turbulences de l'histoire mouvementée du siècle dernier. Mais jamais il ne se départira de son attachement au village natal. On le verra fréquemment à la maison de ses parents, à « la jolie chambre », comme on disait, ouverte sur Nendaz et la plaine du Rhône. Propice apparemment à ses cogitations.

Lorsque la fin de mon itinéraire professionnel en 2005 s'est ouverte sur « la société de longue vie », selon l'expression de Jean-Pierre, nous nous sommes retrouvés, à Veysonnaz, bien sûr, et nous avons évoqué le riche passé de ce coin de terre. D'autres personnes se sont jointes à notre démarche, sur une base purement volontaire. Et c'est ainsi qu'est né le site internet Veysonnaz-Chroniques.ch (plus de 150'000 visites par an, avant la pandémie!).

Jean-Pierre a été notre mentor, jamais à court d'idées, de propositions, de conseils. Depuis lors, il nous a accompagnés de son amitié bienveillante et de son courage : les aléas de santé commençaient hélas ! à frapper notre compagnon de route. Mais il n'a jamais baissé les bras.

Il avait ce talent rare de mettre en valeur les personnes qu'il côtoyait. Don pédagogique, hérité sans doute de son père Henri, instituteur à l'autorité naturelle et au regard bienveillant. Des discussions que nous avions avec ces personnes, on en ressortait grandi et valorisé.

Dans Oser la mort, Bernard Crettaz et Jean-Pierre Fragnière mettent en exergue cette citation de Bertolt Brecht: «Ne craignez pas ainsi la mort et craignez davantage la vie insuffisante». Un appel à la créativité et au développement des talents de tout un chacun qui l'ont nourri tout au long de son remarquable itinéraire de vie

Jean-Maurice Délèze - animateur Veysonnaz-Chroniques.ch - automne 2021